Bordeaux Aquitaine Marine

Naufrage de la Jeune Sophie - 1817

L’île de la Trinité dont nous voyons une vue ci-dessous fait partie des îles Martin Vaz (long : 29°19’, lat. 20°30’ à quelques 1000 km de la côte brésilienne. Elle est inhabitée et mesure 6.4 km de long. extrait des Annales Maritimes et Coloniales - 1818, p5.
L’île de la Trinité Le 6 août 1817, sur les deux heures après midi, le besoin d'eau-de-vie força d'ouvrir un des panneaux de la cale, afin d'en enlever un baril qui se trouvait à l'entrée la plus proche de la chambre. Dès cet instant, quelques passagers commencèrent a se plaindre de la fumée qui pénétrait dans cette chambre ; mais comme on pensa qu'elle provenait de la cuisine, on ne fit que peu d'attention à leurs remarques. Cependant, la fumée augmentant toujours et portant avec elle une odeur de brûlé, on fit d'exactes recherches, et l'épaisseur dont elle était dans un office attenant à la dernière cabane de bâbord, fit croire que le feu y avait été mis par la négligence du mousse qui seul y entrait avec de la lumière. L'office fut de suite vidé et abattu, et l'on reconnut que le foyer de l'incendie n'était pas dans cette partie du navire. Le panneau ouvert peu de temps auparavant fut ouvert de nouveau, et l'on eut alors la triste conviction que la fumée provenait de la cale ; on crut même qu'un paquet d’étoupes, au travers duquel elle filtrait, recelait les principes du feu, et, dans cette croyance, on le couvrit d'eau. Vains efforts ! Devenant de plus en plus épaisse et au point de renverser sans connaissance ceux qui pénétraient dans la chambre ou dans l'entrepont, la fumée sortait par tourbillons. Désespérant du salut du navire, et voyant combien l'air augmentait l’action du feu, les officiers firent promptement refermer les écoutilles et les firent couvrir de voiles, couvertures et matelas mouillés que l'on se mit dès-lors à arroser sans" discontinuer. Quelques hommes se précipitèrent dans la cambuse, et parvinrent, au risque de leur vie, à sauver un petit sac de biscuit qui, avec quatre petits barils de galère pleins d'eau et quelques poules, formaient toutes ressources de ces vingt-sept malheureux. On commença enfin à réfléchir avec plus de calme. Toute l’horreur de la situation dans laquelle on se trouvait, se peignit avec force à l'imagination de chacun; et l'on s'aperçut avec douleur qu'en fait d'instrumens de navigation, deux boussoles et un octant avaient seuls été sauvés ; du reste, aucun livre, aucune carte qui pût guider les officiers dans leur marche: d'un autre côté, une mer terrible ne laissait aucun espoir de sauver vingt-sept personnes dans deux embarcations dont la plus grande n'aurait pu en tenir que douze, et qu'il serait même devenu impossible de hisser au dessus de la lisse et de mettre à la mer, si la mâture minée par le feu était venue à tomber, comme on s'y attendait à chaque instant : quant au petit canot, sa petitesse et la violence de la merle rendaient absolument inutile. On se mit à pomper, et l'on connut bientôt avec certitude, par le vitriol qui sortait de la pompe, quelle était la source de l'incendie. Il fut alors facile d'expliquer les causes d'un feu qui brûlait sans flamme, de l'odeur sulfureuse qui en provenait, et des nombreuses asphyxies qu'il avait causées. On tint enfin conseil. Le capitaine crut, vu la violence du danger, que le seul parti qui restait à prendre, était de tâcher de se rendre h l'île déserte de la Trinité, dont on était encore éloigné de cent lieues, et de pousser jusqu'à l'île de l'Ascension ou même jusqu'à Rio-Janeiro, suivant les progrès plus ou moins rapides du terrible élément dont on ne pouvait qu'imparfaitement juger la violence et la force. Son avis fut celui de tous. Ce ne fut que le 8, à minuit, que l'on eut connaissance de l'île de la Trinité. On mit en travers jusqu'au lendemain matin à 6 heures ; on s'assembla alors pour tenir conseil, et le désir de sauver le navire et sa cargaison, et la presque certitude de périr de misère sur la roche stérile que l'on avait en vue, décidèrent à continuer la route en se dirigeant sur l'île de l'Ascension. Le même jour, sur les onze heures du matin, étant dans l'ouest de la Trinité, à la distance d'environ quatorze lieues, on s'aperçut que les chevilles des porte-haubans de l'arrière à bâbord étaient rouges, et que la fumée sortait entre les préceintes. Cette affreuse découverte causa un abattement général. Enfin on vira de bord et l'on entreprit de lutter contre les vents contraires pour revenir à l'île de la Trinité. Par cette manœuvre, le côté du navire le plus endommagé se trouva élevé de beaucoup au-dessus de la mer, et on essaya de remédier à cet inconvénient en couvrant les parties attaquées, de matelas mouillés. Des hommes attachés avec des cordes en dehors du navire, étaient, chacun à leur tour, chargés d'arroser perpétuellement ces matelas et la hanche du bâtiment. Obligé de lutter contre le vent et les lames, le navire tanguait horriblement. Les mâts ébranlés par le tangage, presque- consumés au pied par Je feu, menaçaient à chaque instant d’entrouvrir le pont par leur chute, et, donnant ainsi un libre passage à l'air, de causer un embrasement général : on n'eut alors d'autre moyen que de les saisir fortement avec des caliornes. Ce fut dans cette position que l'on aperçut pour la seconde fois l'île de la Trinité pendant la nuit du 9 au 10. Le 10 au matin, les officiers allèrent visiter toutes les baies de l’ouest de l'île. Aucune ne présentant de mouillage, il fut décidé que l'on essaierait de mouiller un peu plus au large. L'ouverture de l'entrepont, étaient les câbles, pouvant entraîner la perte du navire, en donnant passage à l’air pour parvenir au foyer de l'incendie, et la violence du feu faisant avec raison présumer que ces mêmes câbles étaient réduits en cendres, on en fit à la hâte un avec les plus forts cordages que l'on avait sous la main, et que l'on tressa ensemble. L'ancre fut mouillée ; mais peu d'instans après, le câble fut coupé par les roches. brick de l'époque Le capitaine, voyant alors la perte du navire inévitable, envoya le maître charpentier pour sonder en dehors les parties embrasées. Ce dernier annonça, à son retour, que les bordages, qui portaient quatre pouces d'épaisseur, étaient réduits à environ trois lignes ; que les coutures étaient vides, et que la fumée sortait même par les bordages au- dessous des préceintes. Chacun se convainquit par lui-même de la vérité du récit du maître charpentier. II fut, d'après cela, résolu d'échouer le navire dans la baie du nord-ouest de l'île de la Trinité (5), afin de pouvoir en retirer quelques vivres ; et le 10, à quatre heures du soir, le bâtiment fut mis à la côte et sabordé de suite à sa flottaison à bâbord, et, à dix heures du soir, l'eau remplissant l'entrepont, on reconnut que le feu était éteint. Ce ne fut pas sans une vive satisfaction qu'après avoir lutté pendant cent soixante-treize heures, et par un temps affreux, contre deux éléments terribles, les vingt-sept naufragés se virent enfin auprès de la terre; mais lorsque ce premier moment fut passé, l'idée de n'être échappé à une mer furieuse ou aux flammes, que pour périr de faim sur un rocher stérile et désert, vint s'offrir à eux ; et la vue de cette terre aride, ils devaient probablement finir leurs jours, loin de tous les objets qui attachent l'homme à la vie, changea bientôt cet instant d'ivresse en une douleur amère. La journée du 11 fut employée à construire un va-et-vient, pour porter à terre le peu de vivres que l'on put avoir sous la main. La soirée et la nuit du 12 au 13, les vents ayant passé au sud-ouest, la mer grossit extrêmement, les vagues se succédèrent sans interruption, et treize personnes, tant officiers que matelots et passagers, ne pouvant aller à terre, vu la violence du ressac, n'eurent d'autre ressource que de se jeter dans la chaloupe et de gagner le large, sans avoir d'autres provisions qu'une couple de poignée de miettes de biscuit jetées par hasard dans la chaloupe, environ sept pots d'eau douce et un baril de beurre salé, qu'après l'ouverture du navire ils trouvèrent en pleine mer. Le bâtiment s'ouvrit la même nuit sur les trois heures, et le reste des vivres, ainsi que la cargaison, repoussés au large par le ressac, devinrent la proie d'une mer terrible. Le 13 au matin, les naufragés qui étaient à terre, ne voyant pas la chaloupe qui avait été forcée de prendre le large pour n'être point brisée sur les roches ou par les débris du navire, parcoururent tristement la rive, croyant y trouver les cadavres de ceux qui étaient demeurés à bord. Enfin, ce ne fut qu'à environ neuf heures du matin qu'ils furent tranquillisés sur le sort de leurs malheureux compagnons d'infortune, en apercevant la chaloupe, que jusqu'alors un énorme rocher (6) vivait dérobée à leur vue ; mais bientôt ils apprirent, par des signes de détresse que leur firent ces malheureux, dans quel absolu dénuement de vivres ils se trouvaient. La mer brisant avec furie contre les roches, ne permettait pas, même aux meilleurs nageurs, d'établir la moindre communication entre la chaloupe et la grève. Vingt expédients inventés par l'humanité malheureuse pour le soulagement de l'humanité souffrante, ne purent réussir ; et un baril de beurre salé, fondu et infecté par le vitriol, et dont on ne pouvait boire qu'avec horreur, devint la ressource et la seule nourriture de treize personnes. . . Enfin, le 15 août, sur les deux heures après midi, après soixante-trois heures d'une aussi détestable et insuffisante nourriture, un temps un peu plus calme permit d'envoyer des vivres à la chaloupe, et de changer les personnes qui s'y trouvaient (7).
Le 20 août 1817, insensibles à la crainte de périr sur une frêle embarcation, et persuadés que tel serait bientôt le sort des malheureux qui resteraient sur ce rocher désert, MM. Devaux, capitaine, Girette, lieutenant, le comte d'Amerval, armateur, et cinq matelots, s'embarquèrent dans la chaloupe, pour aller, malgré une mer houleuse et une distance de deux cent quarante lieues, solliciter à Rio-Janeiro les secours du consul de France pour leurs compagnons d'infortune. Dix-neuf personnes restaient encore dans l'île, presque sans vivres, sans armes pour s'en procurer ; sans poudre, puisque, dans le premier moment de l'incendie, on l'avait jetée a la mer ; et sans médicaments. Leur existence devait, selon toutes les apparences, se terminer en cet endroit ; mais la nécessité leur donnant les forces et le courage nécessaires, les plus agiles d'entre eux se déterminèrent à gravir, quoique avec des peines infinies, sur les rochers à pic au milieu desquels ils étaient en quelque sorte prisonniers. Armés chacun d'un fragile bâton provenant de la cargaison du navire, ils ne craignirent point d'aller attaquer jusque sur la cime des rochers, et suspendus pour ainsi dire au-dessus de précipices affreux, d'énormes sangliers. Le moindre choc, un coup porté à faux, eut suffi pour les précipiter sur un lit de roches aiguës, de la cime des montagnes jusqu'au bord de la mer. Ce fut ainsi, et en s'exposant chaque jour a de nouveaux dangers, que les malheureux naufragés parvinrent à augmenter leurs vivres et à obtenir une parfaite connaissance de l'île. Trente-trois jours après le départ de la chaloupe, sur le point d'être totalement privés du peu de subsistances qu'ils avaient sauvées du naufrage, le seul filet d'eau qui existait dans cette partie de l'île menaçant de tarir par les sécheresses, enfermés dans une baie entourée de rochers énormes et à pic, et d'où la sortie difficile et dangereuse pour tous était impossible à la majeure partie, les dix- neuf naufragés avaient déjà perdu tout espoir de salut, lorsque, le 21 septembre 1817, on signala un navire au large. Sa direction précise sur l’île donna l'assurance que ce bâtiment avait été envoyé par le capitaine parti dans la chaloupe, pour sauver les naufragés. Malgré tout, on lui fit des signaux, mais plutôt pour lui faire connaître qu'on l'avait aperçu, que par crainte qu'il ne fût pas envoyé exprès. Le canot fut mis à la mer, et quatre hommes s'y jetant en toute hâte parvinrent à accoster le navire. Ce brig continua toujours la bordée qu'il courait en longeant la côte ; et cette manœuvre , en prouvant aux naufragés qu'il n'avait pas été envoyé pour eux, leur causa un chagrin d'autant plus grand, qu'ils avaient fermement cru toucher au moment de leur délivrance. Immobiles sur la rive, les yeux fixés sur le navire, ifs semblaient avoir perdu l'usage de leurs facultés, lorsque enfin ils le virent virer de bord et hisser pavillon américain au grand mât. Le canot revint peu de temps après avec une lettre annonçant que le capitaine prendrait les naufragés à son bord, et que son navire était la Mary Elisa, de Salem ( Massachusett's !, qui se rendait à Sumatra, mais qu'il se détournerait de sa route pour les déposer au cap de Bonne- Espérance. La noble conduite du capitaine Joseph Beadle, pendant trois semaines que les naufragés demeurèrent à son bord, ses prévenances, ses délicates attentions, ne contribuèrent pas peu à diminuer la violence des peines qu'ils venaient d'éprouver. Le 16 octobre, à six heures du soir, le brig américain mouilla dans la baie de la Table ; et le lendemain 17, à neuf heures du matin, les naufragés descendirent dans la ville du Cap. On les prévint, à six heures du soir, qu'un navire français était en ce moment à Simons's Bay, qu'il les attendait et qu'ils eussent à s'y rendre. Après avoir marché toute la nuit, les naufragés destinés pour France arrivèrent le 18 à Simons's-Town et s'embarquèrent sur la flûte du Roi la Normande. Les naufragés saisissent avec empressement les moyens qui leur sont offerts de rendre publique la reconnaissance qu'ils conservent des bons procédés et des marques d'intérêt qu'ils ont reçus de M. le capitaine de frégate Ducrest de Villeneuve, commandant la flûte la Normande, de M. le comte Bouvet de Lozier, officier général, de MM. les officiers du vaisseau et de MM. les officiers coloniaux passagers à bord. Ils en consacrent ici leur témoignage durable. Lorient, te 15 janvier 1818. Pour compléter cette relation, nous devons ajouter que la chaloupe portant le capitaine, le lieutenant, l'armateur et les cinq matelots, partie de la Trinité le 20 août, arriva à Rio-Janeiro le 31 au soir. Dès que le capitaine eut fait son rapport à M. le consul général de France, ce fonctionnaire s'adressa au gouvernement portugais, pour en obtenir un navire avec lequel on pût, sans perdre de temps, aller chercher les dix-neuf individus restés au lieu du naufrage. Brick de l’époque Aussitôt que S. M. T. F. fut instruite de la demande du consul général, elle ordonna à son ministre de la marine de faire partir sans délai l'un des bâtiments qui se trouvaient prêts dans le port, pour aller recueillir ces malheureux Français. Le 6 septembre, le navire portugais la Marie-Emilie, ayant à bord le capitaine et les cinq matelots de la Jeune Sophie, mit à la voile et arriva le 27 à l’île de la Trinité, l'on ne trouva que les restes d'une habitation temporaire, telle que les circonstances l'avaient exigée. Elle était déserte, et l'on ne put y découvrir que la lettre suivante, adressée par les naufragés au capitaine du brig la Jeune Sophie. Lettre à M. le Capitaine Devaux, commandant le brig la Jeune Sophie, naufragé sur cette rade à la suite d'un incendie en mer, occasionné par l'huile de vitriol. Mon Cher Capitaine, Nous attendons avec la plus vive impatience que vous soyez de retour de Rio-Janeiro, vous êtes allé dans notre frêle chaloupe. Incertains sur votre sort, et ne sachant pis si, dans le moment actuel, nous devons pleurer votre perte, nous avons pris fa résolution d'accepter l'offre généreuse et désintéressée qui nous a été faite par Je capitaine d'un navire américain ( la Maria Elisa ) de Salem, destiné pour l'île de Sumatra, qui veut bien se charger de nous mettre gratuitement au cap de Bonne-Espérance, en se contentant seulement du fret des marchandises. Le capitaine Bertrand me charge de vous annoncer que ne pouvant rester seul dans cette île, il a céder aux extrémités, en suivant l'impulsion générale. Recevez, mon cher capitaine, avec l'assurance des regrets que nous éprouvons de nous trouver séparés de vous, les vœux que nous faisons pour votre bonheur. Au nom de nos camarades d'infortune, et par ordre de M. Bertrand, de présent à bord du navire, votre serviteur. Signé Duranton, ex-capitaine d'infanterie. Ce lundi 21 septembre 1817. NOTES (1) Chambre : logement du capitaine. (2) Cabane :cabine des officiers et passagers. (3) Baril de galère : petit baril de 224 livres. (4) Ligne : unité de mesure de 0.23 cm. (5) Cette baie, comme toutes celles de la Trinité, a fond de roches. La baie du sud-est, au vent de l'île et la plus grande de toutes, paraît cependant avoir fond de sable ; mais quoi que le sable garnisse le centre de la baie, il n'en est pas moins difficile aux embarcations d'en approcher, à cause d'un banc de roches presque plat et sans aspérités qui s'étend dans la mer à la distance d'environ cent pieds. C'est, au reste, en partant de cette baie que la communication avec les différentes parties de l’île devient le plus facile. (6) Ce rocher est celui dont parle M.d'Après de Mannevillette dans son Neptune oriental, et qui de loin a l'air d'un navire à la voile. Il est composé de trois masses séparées au milieu desquelles la mer passe. Il est séparé de la terre par un bras de mer assez étroit, mais très-profond. Les baleines, très-communes en ces parages, viennent souvent se jouer entre la terre et cette roche. (7) Tous furent obligés de se jeter à la mer à plus de trente-cinq brasses du rivage. Ceux qui ne savaient pas nager furent attachés sur un baril de galère et halés ainsi avec une corde, chacun à son tour, jusque sur les roches la mer venait les écraser. La crainte de perdre les embarcations jugées nécessaires au salut de tous, empêchait d'approcher plus près d'une côte encore inconnue aux naufragés.
Relation du Naufrage du Brig la JEUNE SOPHIE, à la suite d'un incendie en mer, occasionné par l'huile de vitriol, dans le mois d'août 1817. La flûte du Roi la Normande, commandée par M. Ducrest de Villeneuve, capitaine de frégate, entrée en rade de l'île d'Aix le 20 décembre 1 817, a ramené en France M. le comte Bouvet de Lozier, maréchal-de-camp, revenant, avec sa famille et plusieurs officiers, de l'île de Bourbon, dont il avait le commandement depuis trois ans. Sur ce bâtiment se trouvaient aussi les naufragés du brig la Jeune Sophie, que M. Ducrest de Villeneuve avait pris à son bord au cap de Bonne Espérance. Plusieurs journaux se sont empressés de rendre compte de l'affreux malheur arrivé à ce brig, à bord duquel se manifesta un violent incendie par les 20 degrés 25 minutes de latitude sud et par les 26 degrés 50 minutes de longitude occidentale, méridien de Paris. Mais ces détails, extraits de la gazette de Rio-Janeiro, qui les donnait dans les premiers moments de l'événement dont toutes les circonstances ne pouvaient encore être connues, sont nécessairement incomplets. Dans la relation qu'on va lire, ce sont les naufragés eux-mêmes, rendus à leur patrie, qui racontent leur terrible aventure. Le brig la Jeune Sophie, commandé par M. Devaux, capitaine, et armé par M. le comte d'Amerval, fut expédié, le 28 mai 1817, par MM. Martin Foache et fils, du Havre-de- Grâce, pour les îles de France et de Bourbon. Ce navire, d'environ deux cent quatre- vingts tonneaux, portait, outre une riche cargaison, quinze hommes d'équipage, tant officiers que matelots, et douze passagers, au nombre desquels était M. le comte d'Amerval, armateur. Les contrariétés dont fut assailli ce bâtiment, les coups de vent qu'il essuya, retardèrent sa marche, et l'avaient forcé de s'écarter de la route la plus courte pour parvenir au but de son voyage, lorsqu'un affreux événement vint réduire au désespoir les malheureux qui le montaient, et détruire en un instant toutes leurs espérances.
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