Bordeaux Aquitaine Marine
Naufrage de la Jeune Sophie - 1817
L’île de la Trinité dont nous voyons une vue ci-dessous fait partie des îles Martin Vaz (long : 29°19’, lat. 20°30’ à quelques 1000 km de la côte
brésilienne. Elle est inhabitée et mesure 6.4 km de long.
extrait des Annales Maritimes et Coloniales - 1818, p5.
L’île de la Trinité
Le
6
août
1817,
sur
les
deux
heures
après
midi,
le
besoin
d'eau-de-vie
força
d'ouvrir
un
des
panneaux
de
la
cale,
afin
d'en
enlever
un
baril
qui
se
trouvait
à
l'entrée
la
plus
proche
de
la
chambre.
Dès
cet
instant,
quelques
passagers
commencèrent
a
se
plaindre
de
la
fumée
qui
pénétrait
dans
cette
chambre
;
mais
comme
on
pensa
qu'elle
provenait
de
la
cuisine,
on
ne
fit
que
peu
d'attention
à
leurs
remarques.
Cependant,
la
fumée
augmentant
toujours
et
portant
avec
elle
une
odeur
de
brûlé,
on
fit
d'exactes
recherches,
et
l'épaisseur
dont
elle
était
dans
un
office
attenant
à
la
dernière
cabane
de
bâbord,
fit
croire
que
le
feu
y
avait
été
mis
par
la
négligence
du
mousse
qui
seul
y
entrait
avec
de
la
lumière.
L'office
fut
de
suite
vidé
et
abattu,
et
l'on
reconnut
que
le
foyer de l'incendie n'était pas dans cette partie du navire.
Le
panneau
ouvert
peu
de
temps
auparavant
fut
ouvert
de
nouveau,
et
l'on
eut
alors
la
triste
conviction
que
la
fumée
provenait
de
la
cale
;
on
crut
même
qu'un
paquet
d’étoupes,
au
travers
duquel
elle
filtrait,
recelait
les
principes
du
feu,
et,
dans
cette
croyance,
on
le
couvrit
d'eau.
Vains
efforts
!
Devenant
de
plus
en
plus
épaisse
et
au
point
de
renverser
sans
connaissance
ceux
qui
pénétraient
dans
la
chambre
ou
dans l'entrepont, la fumée sortait par tourbillons.
Désespérant
du
salut
du
navire,
et
voyant
combien
l'air
augmentait
l’action
du
feu,
les
officiers
firent
promptement
refermer
les
écoutilles
et
les
firent
couvrir
de
voiles,
couvertures
et
matelas
mouillés
que
l'on
se
mit
dès-lors
à
arroser
sans"
discontinuer.
Quelques
hommes
se
précipitèrent
dans
la
cambuse,
et
parvinrent,
au
risque
de
leur
vie,
à
sauver
un
petit
sac
de
biscuit
qui,
avec
quatre
petits
barils
de
galère
pleins
d'eau
et
quelques
poules,
formaient
toutes
ressources
de
ces
vingt-sept
malheureux.
On
commença
enfin
à
réfléchir
avec
plus
de
calme.
Toute
l’horreur
de
la
situation
dans
laquelle
on
se
trouvait,
se
peignit
avec
force
à
l'imagination
de
chacun;
et
l'on
s'aperçut
avec
douleur
qu'en
fait
d'instrumens
de
navigation,
deux
boussoles
et
un
octant
avaient
seuls
été
sauvés
;
du
reste,
aucun
livre,
aucune
carte
qui
pût
guider
les
officiers
dans
leur
marche:
d'un
autre
côté,
une
mer
terrible
ne
laissait
aucun
espoir
de
sauver
vingt-sept
personnes
dans
deux
embarcations
dont
la
plus
grande
n'aurait
pu
en
tenir
que
douze,
et
qu'il
serait
même
devenu
impossible
de
hisser
au
dessus
de
la
lisse
et
de
mettre
à
la
mer,
si
la
mâture
minée
par
le
feu
était
venue
à
tomber,
comme
on
s'y
attendait
à
chaque
instant
:
quant
au
petit
canot,
sa
petitesse et la violence de la merle rendaient absolument inutile.
On
se
mit
à
pomper,
et
l'on
connut
bientôt
avec
certitude,
par
le
vitriol
qui
sortait
de
la
pompe,
quelle
était
la
source
de
l'incendie.
Il
fut
alors
facile
d'expliquer
les
causes
d'un
feu
qui
brûlait
sans
flamme,
de
l'odeur
sulfureuse
qui
en
provenait,
et
des
nombreuses
asphyxies
qu'il
avait
causées.
On
tint
enfin
conseil.
Le
capitaine
crut,
vu
la
violence
du
danger,
que
le
seul
parti
qui
restait
à
prendre,
était
de
tâcher
de
se
rendre
h
l'île
déserte
de
la
Trinité,
dont
on
était
encore
éloigné
de
cent
lieues,
et
là
de
pousser
jusqu'à
l'île
de
l'Ascension
ou
même
jusqu'à
Rio-Janeiro,
suivant
les
progrès
plus
ou
moins
rapides
du
terrible
élément
dont
on
ne
pouvait
qu'imparfaitement
juger
la
violence
et
la
force.
Son
avis
fut
celui de tous.
Ce
ne
fut
que
le
8,
à
minuit,
que
l'on
eut
connaissance
de
l'île
de
la
Trinité.
On
mit
en
travers
jusqu'au
lendemain
matin
à
6
heures
;
on
s'assembla
alors
pour
tenir
conseil,
et
le
désir
de
sauver
le
navire
et
sa
cargaison,
et
la
presque
certitude
de
périr
de
misère
sur
la
roche
stérile
que
l'on
avait
en
vue,
décidèrent
à
continuer
la
route
en
se
dirigeant
sur
l'île
de
l'Ascension.
Le
même
jour,
sur
les
onze
heures
du
matin,
étant
dans
l'ouest
de
la
Trinité,
à
la
distance
d'environ
quatorze
lieues,
on
s'aperçut
que
les
chevilles
des
porte-haubans
de
l'arrière
à
bâbord
étaient rouges, et que la fumée sortait entre les préceintes.
Cette
affreuse
découverte
causa
un
abattement
général.
Enfin
on
vira
de
bord
et
l'on
entreprit
de
lutter
contre
les
vents
contraires
pour
revenir
à
l'île
de
la
Trinité.
Par
cette
manœuvre,
le
côté
du
navire
le
plus
endommagé
se
trouva
élevé
de
beaucoup
au-dessus
de
la
mer,
et
on
essaya
de
remédier
à
cet
inconvénient
en
couvrant
les
parties
attaquées,
de
matelas
mouillés.
Des
hommes
attachés
avec
des
cordes
en
dehors
du
navire,
étaient,
chacun
à
leur
tour,
chargés
d'arroser
perpétuellement ces matelas et la hanche du bâtiment.
Obligé
de
lutter
contre
le
vent
et
les
lames,
le
navire
tanguait
horriblement.
Les
mâts
ébranlés
par
le
tangage,
presque-
consumés
au
pied
par
Je
feu,
menaçaient
à
chaque
instant
d’entrouvrir
le
pont
par
leur
chute,
et,
donnant
ainsi
un
libre
passage
à
l'air,
de
causer
un
embrasement
général
:
on
n'eut
alors
d'autre
moyen
que
de
les
saisir
fortement
avec
des
caliornes.
Ce
fut
dans
cette
position
que
l'on
aperçut
pour
la
seconde
fois
l'île
de
la
Trinité
pendant
la
nuit
du
9
au
10.
Le
10
au
matin,
les
officiers
allèrent
visiter
toutes
les
baies
de
l’ouest
de
l'île.
Aucune
ne
présentant
de
mouillage,
il
fut
décidé
que
l'on
essaierait
de
mouiller
un
peu
plus
au
large.
L'ouverture
de
l'entrepont,
où
étaient
les
câbles,
pouvant
entraîner
la
perte
du
navire,
en
donnant
passage
à
l’air
pour
parvenir
au
foyer
de
l'incendie,
et
la
violence
du
feu
faisant
avec
raison
présumer
que
ces
mêmes
câbles
étaient
réduits
en
cendres,
on
en
fit
à
la
hâte
un
avec
les
plus
forts
cordages
que
l'on
avait
sous
la
main,
et
que
l'on
tressa
ensemble.
L'ancre
fut
mouillée
;
mais
peu d'instans après, le câble fut coupé par les roches.
brick de l'époque
Le
capitaine,
voyant
alors
la
perte
du
navire
inévitable,
envoya
le
maître
charpentier
pour
sonder
en
dehors
les
parties
embrasées.
Ce
dernier
annonça,
à
son
retour,
que
les
bordages,
qui
portaient
quatre
pouces
d'épaisseur,
étaient
réduits
à
environ
trois
lignes
;
que
les
coutures
étaient
vides,
et
que
la
fumée
sortait
même
par
les
bordages
au-
dessous
des
préceintes.
Chacun
se
convainquit
par
lui-même
de
la
vérité
du
récit
du
maître
charpentier.
II
fut,
d'après
cela,
résolu
d'échouer
le
navire
dans
la
baie
du
nord-ouest
de
l'île
de
la
Trinité
(5),
afin
de
pouvoir
en
retirer
quelques
vivres
;
et
le
10,
à
quatre
heures
du
soir,
le
bâtiment
fut
mis
à
la
côte
et
sabordé
de
suite
à
sa
flottaison
à
bâbord,
et,
à
dix
heures
du
soir,
l'eau
remplissant
l'entrepont,
on
reconnut que le feu était éteint.
Ce
ne
fut
pas
sans
une
vive
satisfaction
qu'après
avoir
lutté
pendant
cent
soixante-treize
heures,
et
par
un
temps
affreux,
contre
deux
éléments
terribles,
les
vingt-sept
naufragés
se
virent
enfin
auprès
de
la
terre;
mais
lorsque
ce
premier
moment
fut
passé,
l'idée
de
n'être
échappé
à
une
mer
furieuse
ou
aux
flammes,
que
pour
périr
de
faim
sur
un
rocher
stérile
et
désert,
vint
s'offrir
à
eux
;
et
la
vue
de
cette
terre
aride,
où
ils
devaient
probablement
finir
leurs
jours,
loin
de
tous
les
objets
qui
attachent
l'homme
à
la
vie,
changea
bientôt
cet
instant
d'ivresse en une douleur amère.
La
journée
du
11
fut
employée
à
construire
un
va-et-vient,
pour
porter
à terre le peu de vivres que l'on put avoir sous la main.
La
soirée
et
la
nuit
du
12
au
13,
les
vents
ayant
passé
au
sud-ouest,
la
mer
grossit
extrêmement,
les
vagues
se
succédèrent
sans
interruption,
et
treize
personnes,
tant
officiers
que
matelots
et
passagers,
ne
pouvant
aller
à
terre,
vu
la
violence
du
ressac,
n'eurent
d'autre
ressource
que
de
se
jeter
dans
la
chaloupe
et
de
gagner
le
large,
sans
avoir
d'autres
provisions
qu'une
couple
de
poignée
de
miettes
de
biscuit
jetées
par
hasard
dans
la
chaloupe,
environ
sept
pots
d'eau
douce
et
un
baril
de
beurre
salé,
qu'après
l'ouverture
du
navire
ils
trouvèrent en pleine mer.
Le
bâtiment
s'ouvrit
la
même
nuit
sur
les
trois
heures,
et
le
reste
des
vivres,
ainsi
que
la
cargaison,
repoussés
au
large
par
le
ressac,
devinrent la proie d'une mer terrible.
Le
13
au
matin,
les
naufragés
qui
étaient
à
terre,
ne
voyant
pas
la
chaloupe
qui
avait
été
forcée
de
prendre
le
large
pour
n'être
point
brisée
sur
les
roches
ou
par
les
débris
du
navire,
parcoururent
tristement
la
rive,
croyant
y
trouver
les
cadavres
de
ceux
qui
étaient
demeurés à bord.
Enfin,
ce
ne
fut
qu'à
environ
neuf
heures
du
matin
qu'ils
furent
tranquillisés
sur
le
sort
de
leurs
malheureux
compagnons
d'infortune,
en
apercevant
la
chaloupe,
que
jusqu'alors
un
énorme
rocher
(6)
vivait
dérobée
à
leur
vue
;
mais
bientôt
ils
apprirent,
par
des
signes
de
détresse
que
leur
firent
ces
malheureux,
dans
quel
absolu
dénuement
de vivres ils se trouvaient.
La
mer
brisant
avec
furie
contre
les
roches,
ne
permettait
pas,
même
aux
meilleurs
nageurs,
d'établir
la
moindre
communication
entre
la
chaloupe
et
la
grève.
Vingt
expédients
inventés
par
l'humanité
malheureuse
pour
le
soulagement
de
l'humanité
souffrante,
ne
purent
réussir
;
et
un
baril
de
beurre
salé,
fondu
et
infecté
par
le
vitriol,
et
dont
on
ne
pouvait
boire
qu'avec
horreur,
devint
la
ressource
et
la
seule
nourriture de treize personnes. . .
Enfin,
le
15
août,
sur
les
deux
heures
après
midi,
après
soixante-trois
heures
d'une
aussi
détestable
et
insuffisante
nourriture,
un
temps
un
peu
plus
calme
permit
d'envoyer
des
vivres
à
la
chaloupe,
et
de
changer les personnes qui s'y trouvaient (7).
Le
20
août
1817,
insensibles
à
la
crainte
de
périr
sur
une
frêle
embarcation,
et
persuadés
que
tel
serait
bientôt
le
sort
des
malheureux
qui
resteraient
sur
ce
rocher
désert,
MM.
Devaux,
capitaine,
Girette,
lieutenant,
le
comte
d'Amerval,
armateur,
et
cinq
matelots,
s'embarquèrent
dans
la
chaloupe,
pour
aller,
malgré
une
mer
houleuse
et
une
distance
de
deux
cent
quarante
lieues,
solliciter
à
Rio-Janeiro
les
secours
du
consul
de
France
pour
leurs
compagnons d'infortune.
Dix-neuf
personnes
restaient
encore
dans
l'île,
presque
sans
vivres,
sans
armes
pour
s'en
procurer
;
sans
poudre,
puisque,
dans
le
premier
moment
de
l'incendie,
on
l'avait
jetée
a
la
mer
;
et
sans
médicaments.
Leur
existence
devait,
selon
toutes
les
apparences,
se
terminer
en
cet
endroit
;
mais
la
nécessité
leur
donnant
les
forces
et
le
courage
nécessaires,
les
plus
agiles
d'entre
eux
se
déterminèrent
à
gravir,
quoique
avec
des
peines
infinies,
sur
les
rochers
à
pic
au
milieu
desquels
ils
étaient
en
quelque
sorte
prisonniers.
Armés
chacun
d'un
fragile
bâton
provenant
de
la
cargaison
du
navire,
ils
ne
craignirent
point
d'aller
attaquer
jusque
sur
la
cime
des
rochers,
et
suspendus
pour
ainsi
dire
au-dessus
de
précipices
affreux,
d'énormes
sangliers.
Le
moindre
choc,
un
coup
porté
à
faux,
eut
suffi
pour
les
précipiter
sur
un
lit
de
roches
aiguës,
de
la
cime
des
montagnes
jusqu'au
bord
de
la
mer.
Ce
fut
ainsi,
et
en
s'exposant
chaque
jour
a
de
nouveaux
dangers,
que
les
malheureux
naufragés
parvinrent
à
augmenter
leurs
vivres
et
à
obtenir
une
parfaite
connaissance de l'île.
Trente-trois
jours
après
le
départ
de
la
chaloupe,
sur
le
point
d'être
totalement
privés
du
peu
de
subsistances
qu'ils
avaient
sauvées
du
naufrage,
le
seul
filet
d'eau
qui
existait
dans
cette
partie
de
l'île
menaçant
de
tarir
par
les
sécheresses,
enfermés
dans
une
baie
entourée
de
rochers
énormes
et
à
pic,
et
d'où
la
sortie
difficile
et
dangereuse
pour
tous
était
impossible
à
la
majeure
partie,
les
dix-
neuf
naufragés
avaient
déjà
perdu
tout
espoir
de
salut,
lorsque,
le
21
septembre
1817,
on
signala
un
navire
au
large.
Sa
direction
précise
sur
l’île
donna
l'assurance
que
ce
bâtiment
avait
été
envoyé
par
le
capitaine
parti
dans
la
chaloupe,
pour
sauver
les
naufragés.
Malgré
tout,
on
lui
fit
des
signaux,
mais
plutôt
pour
lui
faire
connaître
qu'on
l'avait
aperçu,
que
par
crainte
qu'il
ne
fût
pas
envoyé
exprès.
Le
canot
fut
mis
à
la
mer,
et
quatre
hommes
s'y
jetant
en
toute
hâte
parvinrent
à
accoster
le
navire.
Ce
brig
continua
toujours
la
bordée
qu'il
courait
en
longeant
la
côte
;
et
cette
manœuvre
,
en
prouvant
aux
naufragés
qu'il
n'avait
pas
été
envoyé
pour
eux,
leur
causa
un
chagrin
d'autant
plus
grand,
qu'ils
avaient
fermement cru toucher au moment de leur délivrance.
Immobiles
sur
la
rive,
les
yeux
fixés
sur
le
navire,
ifs
semblaient
avoir
perdu
l'usage
de
leurs
facultés,
lorsque
enfin
ils
le
virent
virer
de
bord
et
hisser
pavillon
américain
au
grand
mât.
Le
canot
revint
peu
de
temps
après
avec
une
lettre
annonçant
que
le
capitaine
prendrait
les
naufragés
à
son
bord,
et
que
son
navire
était
la
Mary
Elisa,
de
Salem
(
Massachusett's
!,
qui
se
rendait
à
Sumatra,
mais
qu'il
se
détournerait
de
sa
route
pour
les
déposer
au
cap
de
Bonne-
Espérance.
La
noble
conduite
du
capitaine
Joseph
Beadle,
pendant
trois
semaines
que
les
naufragés
demeurèrent
à
son
bord,
ses
prévenances,
ses
délicates
attentions,
ne
contribuèrent
pas
peu
à
diminuer la violence des peines qu'ils venaient d'éprouver.
Le
16
octobre,
à
six
heures
du
soir,
le
brig
américain
mouilla
dans
la
baie
de
la
Table
;
et
le
lendemain
17,
à
neuf
heures
du
matin,
les
naufragés
descendirent
dans
la
ville
du
Cap.
On
les
prévint,
à
six
heures
du
soir,
qu'un
navire
français
était
en
ce
moment
à
Simons's
Bay, qu'il les attendait et qu'ils eussent à s'y rendre.
Après
avoir
marché
toute
la
nuit,
les
naufragés
destinés
pour
France
arrivèrent
le
18
à
Simons's-Town
et
s'embarquèrent
sur
la
flûte
du
Roi la Normande.
Les
naufragés
saisissent
avec
empressement
les
moyens
qui
leur
sont
offerts
de
rendre
publique
la
reconnaissance
qu'ils
conservent
des
bons
procédés
et
des
marques
d'intérêt
qu'ils
ont
reçus
de
M.
le
capitaine
de
frégate
Ducrest
de
Villeneuve,
commandant
la
flûte
la
Normande,
de
M.
le
comte
Bouvet
de
Lozier,
officier
général,
de
MM.
les
officiers
du
vaisseau
et
de
MM.
les
officiers
coloniaux
passagers à bord. Ils en consacrent ici leur témoignage durable.
Lorient, te 15 janvier 1818.
Pour
compléter
cette
relation,
nous
devons
ajouter
que
la
chaloupe
portant
le
capitaine,
le
lieutenant,
l'armateur
et
les
cinq
matelots,
partie
de
la
Trinité
le
20
août,
arriva
à
Rio-Janeiro
le
31
au
soir.
Dès
que
le
capitaine
eut
fait
son
rapport
à
M.
le
consul
général
de
France,
ce
fonctionnaire
s'adressa
au
gouvernement
portugais,
pour
en
obtenir
un
navire
avec
lequel
on
pût,
sans
perdre
de
temps,
aller
chercher les dix-neuf individus restés au lieu du naufrage.
Brick de l’époque
Aussitôt
que
S.
M.
T.
F.
fut
instruite
de
la
demande
du
consul
général,
elle
ordonna
à
son
ministre
de
la
marine
de
faire
partir
sans
délai
l'un
des
bâtiments
qui
se
trouvaient
prêts
dans
le
port,
pour
aller
recueillir
ces
malheureux
Français.
Le
6
septembre,
le
navire
portugais
la
Marie-Emilie,
ayant
à
bord
le
capitaine
et
les
cinq
matelots
de
la
Jeune
Sophie,
mit
à
la
voile
et
arriva
le
27
à
l’île
de
la
Trinité,
où
l'on
ne
trouva
que
les
restes
d'une
habitation
temporaire,
telle
que
les
circonstances
l'avaient
exigée.
Elle
était
déserte,
et
l'on
ne
put
y
découvrir
que
la
lettre
suivante,
adressée
par
les
naufragés
au capitaine du brig la Jeune Sophie.
Lettre
à
M.
le
Capitaine
Devaux,
commandant
le
brig
la
Jeune
Sophie,
naufragé
sur
cette
rade
à
la
suite
d'un
incendie
en
mer,
occasionné par l'huile de vitriol.
Mon Cher Capitaine,
Nous
attendons
avec
la
plus
vive
impatience
que
vous
soyez
de
retour
de
Rio-Janeiro,
où
vous
êtes
allé
dans
notre
frêle
chaloupe.
Incertains
sur
votre
sort,
et
ne
sachant
pis
si,
dans
le
moment
actuel,
nous
devons
pleurer
votre
perte,
nous
avons
pris
fa
résolution
d'accepter
l'offre
généreuse
et
désintéressée
qui
nous
a
été
faite
par
Je
capitaine
d'un
navire
américain
(
la
Maria
Elisa
)
de
Salem,
destiné
pour
l'île
de
Sumatra,
qui
veut
bien
se
charger
de
nous
mettre
gratuitement
au
cap
de
Bonne-Espérance,
en
se
contentant
seulement du fret des marchandises.
Le
capitaine
Bertrand
me
charge
de
vous
annoncer
que
ne
pouvant
rester
seul
dans
cette
île,
il
a
dû
céder
aux
extrémités,
en
suivant
l'impulsion
générale.
Recevez,
mon
cher
capitaine,
avec
l'assurance
des
regrets
que
nous
éprouvons
de
nous
trouver
séparés
de
vous,
les
vœux que nous faisons pour votre bonheur.
Au
nom
de
nos
camarades
d'infortune,
et
par
ordre
de
M.
Bertrand,
de présent à bord du navire, votre serviteur.
Signé
Duranton,
ex-capitaine
d'infanterie.
Ce
lundi
21
septembre
1817.
NOTES
(1) Chambre : logement du capitaine.
(2) Cabane :cabine des officiers et passagers.
(3) Baril de galère : petit baril de 224 livres.
(4) Ligne : unité de mesure de 0.23 cm.
(5)
Cette
baie,
comme
toutes
celles
de
la
Trinité,
a
fond
de
roches.
La
baie
du
sud-est,
au
vent
de
l'île
et
la
plus
grande
de
toutes,
paraît
cependant
avoir
fond
de
sable
;
mais
quoi
que
le
sable
garnisse
le
centre
de
la
baie,
il
n'en
est
pas
moins
difficile
aux
embarcations
d'en
approcher,
à
cause
d'un
banc
de
roches
presque
plat
et
sans
aspérités
qui
s'étend
dans
la
mer
à
la
distance
d'environ
cent
pieds.
C'est,
au
reste,
en
partant
de
cette
baie
que
la
communication
avec
les différentes parties de l’île devient le plus facile.
(6)
Ce
rocher
est
celui
dont
parle
M.d'Après
de
Mannevillette
dans
son
Neptune
oriental,
et
qui
de
loin
a
l'air
d'un
navire
à
la
voile.
Il
est
composé
de
trois
masses
séparées
au
milieu
desquelles
la
mer
passe.
Il
est
séparé
de
la
terre
par
un
bras
de
mer
assez
étroit,
mais
très-profond.
Les
baleines,
très-communes
en
ces
parages,
viennent
souvent se jouer entre la terre et cette roche.
(7)
Tous
furent
obligés
de
se
jeter
à
la
mer
à
plus
de
trente-cinq
brasses
du
rivage.
Ceux
qui
ne
savaient
pas
nager
furent
attachés
sur
un
baril
de
galère
et
halés
ainsi
avec
une
corde,
chacun
à
son
tour,
jusque
sur
les
roches
où
la
mer
venait
les
écraser.
La
crainte
de
perdre
les
embarcations
jugées
nécessaires
au
salut
de
tous,
empêchait
d'approcher
plus
près
d'une
côte
encore
inconnue
aux
naufragés.
Relation du Naufrage du Brig la JEUNE SOPHIE, à la suite d'un incendie en mer, occasionné par l'huile de vitriol, dans le mois d'août 1817. La flûte du
Roi la Normande, commandée par M. Ducrest de Villeneuve, capitaine de frégate, entrée en rade de l'île d'Aix le 20 décembre 1 817, a ramené en
France M. le comte Bouvet de Lozier, maréchal-de-camp, revenant, avec sa famille et plusieurs officiers, de l'île de Bourbon, dont il avait le
commandement depuis trois ans. Sur ce bâtiment se trouvaient aussi les naufragés du brig la Jeune Sophie, que M. Ducrest de Villeneuve avait pris à
son bord au cap de Bonne Espérance.
Plusieurs journaux se sont empressés de rendre compte de l'affreux malheur arrivé à ce brig, à bord duquel se manifesta un violent incendie par les
20 degrés 25 minutes de latitude sud et par les 26 degrés 50 minutes de longitude occidentale, méridien de Paris. Mais ces détails, extraits de la
gazette de Rio-Janeiro, qui les donnait dans les premiers moments de l'événement dont toutes les circonstances ne pouvaient encore être connues,
sont nécessairement incomplets.
Dans la relation qu'on va lire, ce sont les naufragés eux-mêmes, rendus à leur patrie, qui racontent leur terrible aventure. Le brig la Jeune Sophie,
commandé par M. Devaux, capitaine, et armé par M. le comte d'Amerval, fut expédié, le 28 mai 1817, par MM. Martin Foache et fils, du Havre-de-
Grâce, pour les îles de France et de Bourbon. Ce navire, d'environ deux cent quatre- vingts tonneaux, portait, outre une riche cargaison, quinze
hommes d'équipage, tant officiers que matelots, et douze passagers, au nombre desquels était M. le comte d'Amerval, armateur. Les contrariétés
dont fut assailli ce bâtiment, les coups de vent qu'il essuya, retardèrent sa marche, et l'avaient forcé de s'écarter de la route la plus courte pour
parvenir au but de son voyage, lorsqu'un affreux événement vint réduire au désespoir les malheureux qui le montaient, et détruire en un instant
toutes leurs espérances.