Bordeaux Aquitaine Marine
Les premières sociétés de classification
extrait de Labraque-Bordenave - Traité des assurances maritimes en France et à l’étranger - A. Durand et Pedone Lauriel, 1876
Jusqu'au
milieu
du
18e
siècle,
le
métier
d'assureur
maritime
tenait
plus
du
joueur
de
loto
que
d'un
métier
responsable.
Il
n'existait
alors
aucune
statistique, aucun historique permettant de calculer le risque encouru. Les variables étaient nombreuses.
"
l'état
de
la
mer
et
de
l'atmosphère,
l'arrivée
et
le
départ
des
navires,
leur
condition
de
navigabilité,
le
cours
des
frêts
et
de
la
vente
des
marchandises,
mais
surtout
le
nom,
l'âge,
le
mode
de
construction
et
les
qualités
nautiques
des
navires
qu'ils
assurent.
L'assureur
antique,
sans
guide et sans expérience, dénué de toutes les lumières que la science a prodiguées à la navigation, agissait en aveugle et tentait la fortune.
Lloyd (Londres) 1760
Quelques
négociants
anglais,
frappés
des
inconvénients
que
l'absence
de
renseignements
apportait
à
leur
industrie,
eurent
la
pensée
de
fonder
à
leur
usage,
un
cercle
ou
société
close
où
viendraient
se
centraliser
toutes
les
opérations
d'assurance,
toutes
les
nouvelles
utiles
à
la
navigation
et
tous
les
documents
favorables
à
l'appréciation
des
risques.
Cette
société
prit
bientôt
une
grande
extension,
et
peu
d'années
après
1760,
date
de
sa
fondation,
elle
comptait
un
nombre
considérable
d'adhérents
et
pouvait
entretenir
des
correspondants
ou
des
agents
directs,
dans
les
principaux
ports du globe. C'est ainsi que fut créé le Lloyd anglais.
Il
tire
son
nom
du
propriétaire
du
café
situé
dans
Lombard-Street,
où
se
réunissaient
les
principaux
négociants
de
la
cité.
Bientôt
on
comprit
qu'il
était nécessaire de classer les navires en plusieurs catégories.
On
les
répartit
en
4
classes,
A
E
I
0,
accompagnés
des
chiffres
1,
2,
3,
4.
—
Les
lettres
se
référaient
à
la
coque
du
bâtiment,
et
les
chiffres
au
gréement.
La
cote
A,
E
désignait
un
navire
de
premier
mérite,
ayant
sa
coque
et
son
gréement
dans
le
meilleur
état.
La
lettre
I
était
assignée
aux
mauvais
navires,
et
la
lettre
0
aux
navires
hors
d'état
de
naviguer.
Un
navire
bien
construit
ou
réputé
tel,
restait
de
6
à
12
ans
dans
la
classe
A,
selon
le
port
de
construction.
Il
n'y
avait
aucune
vérification
sérieuse,
aucun
contrôle
efficace,
et
après
l'expiration
du
nombre
d'années
fixées
par
le
règlement, un navire perdait définitivement sa cote, alors même qu'il aurait été réparé avec le plus grand soin.
Cet
état
de
choses,
source
de
nombreux
abus,
dura
longtemps
;
enfin
un
beau
jour
les
armateurs
et
les
assureurs
s'émurent.
En
1824,
on
réunit
un
comité
représenté
par
les
divers
intérêts
;
un
rapport
fut
présenté
le
ter
juin
1826
à
une
assemblée
générale
de
négociants
de
Londres,
engagés
dans les opérations maritimes; mais le règlement actuellement en vigueur ne fut créé qu'en 1834.
Nous
ne
pouvons
reproduire,
même
en
les
analysant,
les
nombreux
articles
de
ce
règlement;
qu'il
nous
suffise
de
dire
que
tous
les
navires
anglais
et
étrangers
peuvent
y
être
inscrits,
et
que
les
cotes
qui
leur
sont
assignées,
doivent
être,
autant
que
possible,
l'indication
exacte
de
leurs
qualités
réelles
et
intrinsèques,
et
qu'elles
doivent
être
déterminées,
non
par
les
visiteurs,
mais
par
le
comité,
après
l'examen
attentif
des
rapports
des
visiteurs et de tous, les autres documents qui sont soumis au comité.
Les cotes sont établies comme suit :
•
Navires A
. Bâtiments neufs ou bâtiments dont le terme est continué ou rétabli.
•
Navires
A
(en
rouge).
Bâtiments
qui
ont
atteint
la
période
qui
leur
a
été
assignée,
lors
de
la
première
visite,
ou
lors
de
la
continuation
ou
du
rétablissement
de
la
cote
ainsi
que
les
navires
qui
n'ont
pas
été
cotés
dans
l'origine
et
qui
se
trouvent,
à
la
visite,
d'une
qualité
supérieure,
propres à transporter des marchandises sèches et périssables en quelque partie du monde, ou de quelque partie du monde-que ce soit. ,
•
Navires
Æ
.
Bâtiments
qui,
à
la
visite,
sont
trouvés
propres
à
transporter
avec
sécurité
des
marchandises
sèches
et
périssables
pour
des
voyages plus courts.
•
Navires
E
.
Bâtiments
qui,
à
la
visite,
seront
trouvés
propres
au
transport
de
cargaisons
qui,
par
leur
nature,
ne
sont
pas
sujettes
à
être
avariées par la mer en quelque voyage que ce soit.
•
Navires I
. Bâtiments propres à transporter des cargaisons non sujettes à être avariées par la mer pour des voyages plus courts.
Les
articles
33
et
suivants
du
règlement
indiquent
les
conditions
indispensables
à
la
classification
de
chaque
catégorie
de
navires,
et
aux
diverses
périodes
pour
la
conservation
ou
le
renouvellement
de
leurs
cotes
;
les
règles
qui
doivent
présider
à
la
construction
des
navires;
la
qualité,
les
dimensions,
les
chevilles
et
gournables
;
les
conditions
nécessaires
pour
que
le
navire
puisse
être
visité
;
les
parties
qui
doivent
surtout
frapper
l'attention
des
experts
visiteurs,
le
nombre
des
visites,
les
rapports
et
leur
contenu
pour
le
maintien
et
le
renouvellement
de
la
cote
;
les
réparations
qu'ils
doivent
prescrire
pour
chaque
catégorie
de
navires,
et
pour
chacune
des
4
classes
;
le
nombre,
les
dimensions
et
les
qualités
des
câbles,
ancres
et
autres
rechanges
;
le
nombre
et
les
dimensions
des
embarcations
pour
les
navires
en
bois
ou
pour
les
steamers;
et
enfin
les
essences
de
bois
qui
doivent
être
employées
pour
la
construction
de
chacune
des
4
classes
de
navires
et
pour
chacune
de
leurs
parties
essentielles...
Pour
donner
une
appréciation
approximative
des
conditions
multiples
et
détaillées
de
ce
règlement,
il
faudrait
le
copier
presque
en
entier
;
de
pareils
documents
ne
supportent
pas
l'analyse.
Bornons-nous
à
constater
que
le
Lloyd
anglais
est
un
pré¬cieux
auxiliaire
pour
tous
les
assureurs
et
les
assurés du monde entier.
Veritas (Paris) 1828
Le
recueil
anglais
fut
longtemps
unique
en
Europe;
mais,
en
1828,
un
assureur
d'Anvers,
M.
Jules
Morel,
fonda
à
Paris
le
Veritas.
Cette
institution
avait
pour
but
d'apprécier
la
valeur
individuelle
de
chaque
navire,
afin
d'éclairer
les
assureurs
dans
le
choix
de
leurs
risques.
M.
Charles
Bal,
directeur à Paris de la Cie Le Llyod français, lui imprima un autre caractère et une admirable impulsion.
La
forme
donnée
au
Veritas
permet
de
recueillir
et
de
montrer
rapidement
le
degré
de
confiance
que
doit
inspirer
un
navire.
Il
est
divisé
en
13
colonnes
:
La
1ère
contient
la
liste
de
tous
les
navires
de
commerce
du
monde.
2°
Le
nom
du
capitaine.
3°
Le
degré
de
confiance
que
mérite
le
navire
et
le
genre
de
navigation
auquel
il
est
le
mieux
approprié.
4°
Ses
qualités
de
corps
et
de
gréement.
5°
L'espèce
de
bâtiment
à
laquelle
il
appartient.
6°
Son
tonnage.
7°
Son
pavillon.
8°
L'année
de
sa
construction.
9°
Le
bois
avec
lequel
il
est
construit,
son
doublage,
les
réparations
subies. 10° Son tirant d'eau à l'étambot le navire chargé. 11° Le port d'attache. 12° Le nom de l'armateur. 13° Le lieu et la date de la dernière visite.
Le Veritas divise les navires en trois classes, et exprime l'appréciation de leurs qualités par les nombres fractionnaires 3/3 5/6 3/4 2/3 ½ ...
Ce
registre
est
puissamment
secondé
par
ses
propres
visiteurs,
par
les
experts
de
l'Amirauté
dont
la
visite
au
départ
est
imposée
à
tous
les
navires
français et par la loi du 2 juillet 1836 qui défend à tous les navires français de changer de nom.
Chaque
navire
trouve
ainsi
sa
biographie
inscrite
au
Veritas
;
et
les
assureurs
peuvent
donner
des
bases
sûres
et
certaines
à
leurs
appréciations
et
au
degré
de
con¬fiance
qu'ils
accordent
au
navire.
En
outre,
l'expert
du
Veritas
suit
la
construction
de
chaque
navire
et
apprécie
la
nature,
la
qualité
des
bois
employés.
La
cote
s'acquiert
sous
les
conditions
rigoureuses,
énumérées
dans
l'article
6
règlement
spécial
,
elle
ne
peut
se
conserver
que
sous
les
autres
conditions
non
moins
rigoureuses
des
articles
7,
10
et
11;
aussi
quand
il
s’agit
de
fixer
une
cote
et
d'en
déterminer
la
durée,
les
experts
procèdent
avec
beaucoup
de
circonspection
et
ne
délivrera
un
certificat
qu'après
une
vérification
complète
de
l’état
du
navire
dans
toutes
ses parties.
Le
Veritas
avait
acquis
une
autorité
presque
officielle,
à
tel
point
que
le
10
février
1880
la
cour
de
Paris
décidait,
que
le
silence
gardé
par
l’assuré
sur
le
refus
du
Veritas
de
coter
un
navire
constituait
une
réticence.
A
l’apparition
de
cette
sentence,
les
chambres
de
commerce
s'émurent,
et
dans
une
lettre
adressée
an
ministre
du
commerce,
la
chambre
de
Bordeaux
n'hésitait
pas
à
déclarer
que
cette
décision
constituait
un
déni
de
justice.
La
chambre
signalait
les
prescriptions
rigoureuses
et
les
exigences
dangereuses
du
règlement
du
Veritas,
qui
étaient
de
nature
à
compromette
à
la
fois
les intérêts des assureurs et surtout des assurés.
Registre Maritime (Bordeaux) 1880
M.
Cortés,
président
de
la
chambre,
fut
invité
à
s'adresser
à
M.
Charles
Bal
et
à
lui
demander
certaines
modifications
du
règlement,
concernant
le
mode
de
construction
et
de
carène.
L’indécision
de
la
réponse
ou
le
refus
du
directeur
du
Véritas,
de
faire
droit
aux
justes
réclamations
du
commerce, détermina les armateurs de Bordeaux à créer le nouveau Registre qui porte le nom de Registre Maritime.
Au
mois
de
décembre
1861,
sur
la
proposition
de
M.
H.
Tandonnet,
et
après
an
rapport
de
M.
Mégret,
où
se
trouvent
énumérés
les
griefs
du
commerce
contre
le
Véritas,
l’assemblée
générale
désigna
les
noms
des
membres,
qui
devaient
composer
le
premier
conseil
de
surveillance
du
Registre Maritime.
MM.
Cortès,
Olanyer,
Cabuzac,
Pozzy,
Chaigneau,
Salvané,
Féger
Kerhuel,
Delphin
Henri,
furent
nommés
membres
de
ce
conseil
de
surveillance.
La
direction en fut confiée à M. Labadie, ancien capitaine, marin d’une expérience consommée, d’une intelligence rare et d’une activité sans égale
Le mode de classement de ce Registre s’opère de la manière suivante :
•
Première division
o
1e c, 1
o
1e c, 2
•
Deuxième division
o
2e c, 1
o
2e c, 2
•
Troisième division
o
3e c, 1
o
3e c, 2
ll
ne
saurait
nous
convenir
de
prendre
parti
pour
l’un
ou
l’autre
de
ces
deux
rivaux
;
assez
de
questions
les
divisent
et
les
nombreuses
difficultés
qui
existent
encore,
démontrent
surabondamment
que
la
paix
et
la
concorde
sont
loin
de
régner
entre
les
deux
administrations.
Nous
pouvons
seulement
affirmer,
que
les
deux
registres
honorent
le
commerce
français,
protègent
le
commerce
de
la
mer
autant
qu'il
le
peut,
et
que
la
circulaire
du
18
mai
1860,
qui
ordonne
une
enquête
et
retire
provisoirement
le
Brevet
au
capitaine
qui
a
perdu
son
navire,
constitue
pour
les
assureurs
un
auxiliaire et une protection qu'on ne rencontre pas ailleurs.
Les
deux
registres
peuvent
être
consultés
avec
fruit
par
la
justice,
mais
elle
ne
doit
pas
oublier
qu'ils
appartiennent
à
deux
industries
privées,
sans
caractère
officiel,
sans
contrôle
de
la
part
de
l'assuré.
Le
tribunal
de
commerce
de
Marseille
est
entré
dans
la
véritable
voie
en
décidant,
le
8
mars
1866,
que
l'assuré
n'avait
commis
aucune
réticence
en
n'avertissant
pas
l'assureur
que
son
navire
n'était
pas
coté
au
Veritas,
en
se
fondant
sur
cette
raison décisive à savoir que l'assureur peut prendre ce renseignement à son gré, et que l'assuré ne saurait être tenu de le lui fournir.
Registre de Trieste (1847)
On
trouve
également
à
Trieste
et
à
Liverpool
des
Llyods
qui
se
rapprochent
beaucoup
plus
du
Llyod
anglais
que
des
registres
français.
Ils
servent
également
à
classer
les
navires
des
nombreuses
compagnies
d'assurance
qui
couvrent
les
risques
de
l'Adriatique,
de
l'Archipel
et
des
mers
Noire
et
de Syrie. Depuis sa nouvelle charte et son nouveau règlement édicté en 1847, le registre de Trieste a pris des développements considérables.
Tels
sont
les
auxiliaires
omnipotents
du
commerce
des
assurances
maritimes.
Nous
ne
pouvons
accorder
une
approbation
sans
réserves
à
la
circulaire
ministérielle
du
18
mai
1860.
Les
capitaines
de
tous
les
grands
ports
ont
formulé
d'énergiques
protestations.
Dans
la
pratique,
le
Brevet
n'est retiré au capitaine qu'après l'enquête, afin de ne pas assimiler les capitaines malheureux aux capitaines coupables.