Bordeaux Aquitaine Marine
Création de la marine royale - 1634
extrait de Jurien de La Gravière - Les marins des 15e et 16e siècles - Plon, Paris, 1879, t1, chap. VII
LES ORDONNANCES DE RICHELIEU
Ces
capitaines,
dont
on
louait
les
services
au
moment
du
besoin
et
qu'on
licenciait
aussitôt
que
la
campagne
était
terminée,
vivaient
du
métier
de
la
mer
et
n'hésitaient
pas
à
porter
en
tous
lieux
leur
industrie.
Quelques-uns
faisaient
la
course
pour
leur
propre
compte;
d'autres
s'adonnaient
paisiblement
au
commerce
;
aucun
ne
s'endormait
sur
sa
gloire
passée.
Leurs
services
antérieurs
ne
leur
créaient
aucun
droit.
L'État,
qui
les
employait,
ne
cherchait
pas
parmi
eux
le
plus
ancien,
le
plus
élevé
en
grade;
il
confiait
le
commandement
supérieur
au
plus
digne.
Les
illustrations
vieillies,
les
bras
fatigués
ne
pouvaient
s'attendre
qu'à
un
froid
accueil.
Il
y
avait
quelque
avantage
à
ce
mode
de
recrutement,
qui
rappelle
assez
celui
qu'on
voit
généralement
pratiqué
en
temps
de
guerre
civile;
un
pareil
système
devait
toutefois
pécher
par
l'ensemble
:
rassemblés
de
tous
les
points
du
globe,
les
capitaines
ne
se
connaissaient
pas,
s'entendaient
mal
et
s'obéissaient
encore
moins.
Par
ce
procédé
d'armement,
l’on
pouvait
avoir
d’intrépides
corsaires,
on
ne
constituait
que
difficilement
une
flotte.
Richelieu
résolut
de
garder
au
service
un
certain
nombre
de
capitaines
et
de
lieutenants
qu'il
choisit
avec
soin
parmi
les
plus
capables.
Le
trésorier
de
la
marine
reçut
l’ordre
de
leur
payer
une
pension
annuelle
indépendante
de
la
solde
ordinaire
de
cent
écus
par
mois
qui
leur
était
allouée
lorsqu’ils commandaient.
C’était
un
premier
jalon
posé
pour
arriver
à
une
organisation
permanente.
Les
officiers
ainsi
entretenus
se
trouvaient
du
même
coup
mis
en
possession
d'une
sorte
de
privilège.
L'amiral
lui-même
ne
pouvait
les
destituer,
s'il
ne
les
avait
préalablement
convaincus
«
d’avoir
contrevenu
aux
ordonnances
».
Ce
n'était
point
toutefois
de
semblables
aventuriers
que
le
grand
cardinal
se
proposa
de
composer
le
corps
de
la
marine
;
il
les
voulait
seulement
conserver
comme
instituteurs
des
jeunes
seigneurs
qu'il
embarquerait
sous
leurs
ordres.
Dans
la
pensée
de
Richelieu,
la
noblesse
française
ne
pouvait
ambitionner
de
plus
grand
honneur
que
celui
de
commander
les
vaisseaux
du
roi.
Le
roi,
de
son
côté,
n'avait-il
pas
sujet
d'espérer
que
cette
généreuse
élite,
formée
par
de
bons
maîtres,
lui
fournirait
bientôt
«
des
capitaines
économes,
sachant
beaucoup
mieux
les
fonctions
de
tous
les
officiers
que
ces
officiers
eux-mêmes,
charitables
envers
les
malades
et
envers
les
blessés,
surtout
craignant
Dieu
»
?
On
vit
en
effet,
sous
le
règne
de
Louis
XIII,
«
plusieurs
personnes
de
condition
»
faire
leur
apprentissage
sous
les
chefs
d'escadre
et
les
capitaines
entretenus
,
se
préparant
ainsi
à
exercer
à
leur
tour
le
commandement.
La
marine
française
fut
dès
lors
un
corps
;
elle
cessa
d'en
former
un
lorsque
la
parcimonie
du
ministre
d'Anne
d'Autriche
eut
fait
descendre
de
5
millions
de
livres à 300,000 le chiffre des sommes affectées aux dépenses navales.
Avait-on,
sous
cette
administration
nécessiteuse
et
avare,
armé
quelques
vaisseaux,
on
se
croyait
encore
en
droit
de
parler
bien
haut
de
la
marine
et
des
escadres
du
roi
;
mais
après
quelques
mois
de
campagne
tout
rentrait
de
nouveau
dans
le
néant.
Les
capitaines
étaient
licenciés
;
ils
ne
se
trouvaient
pas
alors
seulement
sans
emploi,
ils
se
trouvaient
aussi
sans
pension.
La
marine
de
Richelieu
ne
lui
avait
pas
survécu;
Colbert
n'en
retrouva
plus
que
les
ruines.
S'il
ne
rencontra
pas
au
milieu
des
décombres
les
matériaux
dont
il
avait
besoin
pour
ériger
un
nouvel
édifice,
il
y
découvrit du moins des fondations qui lui parurent assez fermes encore pour qu'il n'hésitât pas un instant à y asseoir son œuvre.
L'ordonnance
promulguée
en
1634
a
servi
de
base
à
tous
les
travaux
d'organisation
qui
ont
suivi.
Au
temps
où
parut
cet
édit
mémorable,
les
Hollandais
étaient
les
meilleurs
guides
que
l'on
pût
consulter;
aussi
fut-ce
à
leurs
institutions
maritimes
que
l’on
crut
devoir
faire
les
plus
larges
emprunts.
Les
capitaines
qui
s'assemblèrent
à
Brouage,
sous
la
présidence
du
sieur
de
Manty
(1),
chef
d'escadre
de
la
province
de
Guyenne,
ne
copièrent
cependant
pas
servilement
les
maîtres
qu'ils
avaient
choisis
pour
modèles.
Ils
surent
accommoder
leurs
prescriptions
à
nos
traditions,
à
nos
habitudes,
à
notre
tempérament
national.
Ce
travail,
achevé
en
quelques
mois,
nous
frappe
encore
aujourd'hui
par
sa
clarté
et
par
sa
précision.
Tout
ce
qui
est
essentiel
y
figure.
Bien
des
règlements
sont
intervenus
depuis
lors
;
ils
ont
été
plus
explicites,
sont
entrés
dans
de
plus
minutieux
détails
;
ils
n'ont
pas
mieux
tranché
les
grandes
questions
de
principe.
Pour
assurer
le
bon
armement
des
vaisseaux
du
roi,
la
première
chose
à
faire
était
de
déterminer
la
composition
normale
des
équipages.
Richelieu
voulut
que
nos
vaisseaux
«
fussent
toujours
garnis
d'un
nombre
suffisant
d'officiers,
de
matelots
et
de
gens
de
guerre
dont
le
courage
et
l'expérience
fissent
espérer
dans
les
occasions
de
bons
succès
».
La
même
préoccupation
a
motivé
de
nos
jours
l'ordonnance
de
1827
et
plus
fard
le
décret
de
1856.
On
n’a
pas
seulement
tenu
à
mettre
un
nombre
de
bras
suffisant
à
bord
de
nos
vaisseaux;
on
s'est
proposé
en
même
temps
d’y
réunir
toutes
les
aptitudes
qu'exige
la
nature
complexe
de notre service.
Quelque
prévoyants
que
nous
ayons
été
à
ce
sujet,
nous
n'avons
fait
que
marcher
sur
les
traces
des
auteurs
du
règlement
de
1634.
Suivant
les
propositions
que
la
conférence
de
Brouage
fit
agréer
au
cardinal,
il
devait
y
avoir,
sur
chacun
des
grands
bâtiments
de
la
flotte,
32
officiers
mariniers.
Il
semble
que
ce
nom
d’officiers
mariniers
soit
venu
aux
hommes
spéciaux
dont
il
marquait
la
fonction
subalterne
de
l'obligation
qui
leur
était
imposée
d'être
avant
tout
marins,
tandis
que
les
officiers
proprement
dits,
—
le
capitaine,
le
lieutenant,
l'enseigne,
—
pouvaient
à
la
rigueur
se
dispenser
de
l'être.
Cette
disposition
était,
sur
nos
vaisseaux,
aussi
bien
d'ailleurs
que
sur
les
vaisseaux
anglais,
où
elle
persista
plus
longtemps,
un
reste
des
usages
et
des
mœurs
militaires
d'une
autre
époque.
Au
moyen
âge,
les
chevaliers
s'embarquaient
pour
combattre
;
ils
ne
songeaient
pas
à
s'occuper
de
la
manœuvre
;
ce
soin
était
laissé
«
à
de
petites
gens
»
qui
en
faisaient,
dès
l'enfance,
l'objet
de
leurs
études.
Il
y
avait
des
officiers
mariniers
pour
les
diverses
branches
et
pour
tous
les
détails
du
service
:
1
maître,
2
contremaîtres,
4
quartiers-maîtres,
2
maîtres
de
misaine
ou
esquimans,
3
pilotes
,
1
maître
canonnier
assisté
de
3
compagnons
,
1
maître
valet
et
1
cuisinier
ayant
chacun
leur
aide
,
2
calfats et 2 charpentiers, 1 traînier ou faiseur de voiles, 1 tonnelier, 3 caporaux, 1 dessaleur et 1 prévôt.