Bordeaux Aquitaine Marine
La puissance navale et le technologie navale ottomane
durant les guerres russo-turques (1768-1792)
par Emir Yener
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la
revue
«
International
Naval
Journal
»
(Vol.9,
2016).
Il
est
reproduit
avec
l’aimable
collaboration
de
son
auteur
Emir
Yener,
traduit par Alain Clouet.
INTRODUCTION
Les
deux
guerres
turques
contre
l’impératrice
Catherine
II
de
Russie,
constituent
sans
nul
doute
un
véritable
tournant
dans
l’histoire
de
l’Europe
de
l’Est.
Que
ce
soit
du
point
de
vue
ethnique
ou
politique,
les
évènements
entre
1768
et
1792
ont
ouvert
le
chemin
à
la
création
de
l’Ukraine,
de
la
Pologne
et
des
Balkans
de
l’ère
moderne.
Les
batailles
capitales
terrestres
et
sièges
des
deux
guerres
russo-turques
ont
été
l’objet
une
grande
attention
et
des
études
détaillées ont été publiées en turc, russe et dans la plupart des langues européennes.
Malheureusement,
jusqu’à
ces
dernières
années,
il
n’était
pas
possible
de
faire
le
même
constat
sur
la
dimension
cruciale
de
la
marine
sur
cette
période
1768-1792.
Par
chance,
avec
l’étude
en
trois
volumes
de
la
marine
de
Catherine
II,
du
professeur
Galina
Grebenchtchikova,
un
tournant
a
été
atteint.
L’étude
de
ce
professeur
engendre
un
saut
qualitatif
dans
notre
compréhension
de
la
technologie
navale
russe,
de
son
infrastructure
et
de
la
stratégie
effectivement
utilisée
dans
la
destruction
du
monopole
ottoman
sur
la
Mer
Noire
et
dans
l’ascension
de
la
Russie
parmi
les
puissances
navales
les
plus
avancées
du
monde.
Néanmoins,
un
aperçu
global
de
ces
campagnes
est
encore
manquant
sur
la
puissance
navale
ottoman
et
la
technologie
navale
en
particulier n’a pas été suffisamment étudiée.
Dans
toutes
les
études
significatives
dans
les
langues
européennes
et
en
russe,
il
est
possible
de
trouver
un
grand
nombre
de
descriptions
scrupuleuses
concernant
les
spécifications,
les
avantages
et
désavantages
des
grandes
puissances
navales
de
l’époque
de
la
voile.
Cependant
quand
on
arrive
à
la
technologie navale ottomane, un silence assourdissant répond au chercheur.
Dans
l’historiographie
russe,
l’information
disponible
sur
la
technologie
navale
ottomane
est
limitée
à
des
quelques
informations
glanées
par
les
officiers
russes
lors
de
batailles,
occasionnellement
par
des
rapports
de
renseignements.
On
trouve
aussi
dans
les
marines
françaises
et
anglaises
des
rapports
de
spécialistes
ayant
été
employés
par
la
Sublime
Porte
pour
améliorer
sa
technologie.
Toutes
ces
sources
sont
valables
dans
la
mesure
où
elles
sont
examinées
avec
soin
et
croisées
avec
des
sources
ottomanes.
Malheureusement,
à
quelques
rares
exceptions
près,
on
ne
trouve
pas
chez
les
historiens
russes
de
recherches
faites
sur
la
littérature
navale
turque,
sauf
dans
les
«
Cevdet-Bahriye
»
archives
du
Premier
Ministre
Ottoman
(Başbakanlık
Osmanlı
Arşivleri)
à
Istamboul.
Il
y
a
aussi
le
triste
constat
que
du
fait
de
la
tradition
turque
en
matière
d’archives,
presque
rien
d’intéressant
n’a
survécu
pour
étudier
l’histoire
technologique.
Dans
la
littérature
turque
actuelle,
un
effort
sérieux
est
consacré
à
la
recherche
d’informations
importantes,
bien
que
rares sur la construction navale ottomane à l’âge de la voile.
Les
archives
européennes
ont
été
largement
exploitées,
bien
que
très
critiques
à
l’égard
de
la
marine
ottomane.
Particulièrement
dans
trois
pays,
il
existe
une
richesse
de
documents
précis
et
détaillés
sur
les
navires
ottomans
et
la
puissance
de
leur
marine.
Le
premier
lieu
se
trouve
dans
les
Archives
de
l’état
vénitien
(Archivo
Stato
di
Venezia)
qui
contient
des
rapports
de
renseignements
sur
les
navires
ottomans
et
leurs
chantiers
de
constructions,
illustrés
de
plans
et
d’images
remarquables.
Le
second
concerne
les
archives
de
la
section
marine
du
Service
Historique
de
la
Défense
à
Vincennes.
Le
troisième
qui
est
le
plus
riche
et
le
plus
important
concernant
les
dernières
années
des
affaires
navales
ottomanes,
est
le
siège
des
Archives
Navales
de
la
Fédération
de
Russie (Rossiiskii Gosudarstvennii Arkhiv Voenno Morskogo Flota).
Ces
trois
institutions
contiennent
un
grand
nombre
d’informations,
mais
encore
très
peu
exploitées,
elles
commencent
seulement
à
faire
l’objet
d’une
diffusion
extérieure.
Pourtant,
même
avec
ce
qui
est
disponible,
nous
sommes
finalement
capables
de
faire
un
descriptif
plus
ou
moins
exact
de
la
construction navale ottomane durant les guerres avec la Russie durant la période 1768-1792.
LES TYPES DE NAVIRES OTTOMANS ET LA PUISSANCE NAVALE 1768-92
Quand
la
première
guerre
russo-turque
débuta
en
1768,
les
marines
turques
et
russes
possédaient
deux
types
de
flottes
très
différentes.
La
flotte
principale
ottomane
était
la
Grande
Flotte
(Kebir
Donanma),
cette
force
de
haute
mer
était
composée
de
navires
à
voiles
armés
avec
une
artillerie
disposée
en
bordé.
La
deuxième
force
était
la
«
Flotte
Mince
»
(Ince
Donanma),
flotte
amphibie
composée
de
navires
légers
à
rames
comme
les
galères
et
les
canonnières.
Au
cours
des
deux
guerres,
la
sécurité
et
la
liberté
d’action
des
forces
amphibies
dépendaient
des
performances
de
la
Grande
Flotte.
Comme
la
technologie
des
galères
de
la
Mediterranée
est
un
sujet
bien
étudié,
il
n’est
pas
nécessaire
de
la
répéter
ici
encore
un
fois,
d’une
manière
détaillée.
Mais
comme
les
flotilles
à
rames
jouaient
un
rôle
vital
dans
le
ravitaillement
et
support
des
armées
par
le
Danube
et
par
les
grands
rivières
d’Ukraine
(Dnieper,
Dniester et Bug), un court résumé de la situation des navires à rames ottomans au 18ème siècle est utile pour en donner une idée.
Au
commencement
de
la
première
guerre
contre
Catherine
II,
l’Empire
ottoman
possédait
encore
une
douzaine
de
galères.
Les
Turcs
suivaient
les
modèles
et
les
méthodes
de
constructions
vénitiens
pour
leurs
navires
à
rames.
Cette
pratique
continuait
depuis
le
16ème
siècle
et
était
si
habituel
pour
les
experts
maritimes
du
Levant,
que
les
vénitiens
classifiaient
leurs
galères
et
celles
des
Turcs
comme
«
levantines
»,
notablement
différentes
des
galères
des
puissances
occidentales
(France,
Espagne,
Gênes
etc)
qu’ils
appelaient
galères
«
ponantines
».
Cependant,
les
rapports
vénitiens
révèlent
une
différence
notable des galères turques de cette époque: une poupe carrée, comme les voiliers, contraire à la poupe arrondie traditionnelle.
Le
grand
savant
Turc
de
17ème
siècle
Katip
Çelebi,
dans
son
livre
célèbre
sur
les
affaires
maritimes,
nous
éclaire
sur
les
détails
de
cette
différence
notable.
Par
lui,
nous
apprenons
que
les
constructeurs
turcs
avaient
commencé
à
appliquer
la
poupe
carrée
vers
la
fin
du
premier
quart
du
17ème
siècle
parce
que
c’était
plus
résistant
par
mer
grosse.
Aujourd’hui,
nous
savons
que
la
fin
de
16ème
siècle
était
aussi
le
commencement
du
«
Petit
Age
Glaciaire
»,
une
déstabilisation
atmosphérique
qui
a
profondément
influencé
les
marines
et
la
navigation
avec
une
forte
augmentation
des
tempêtes
en
mer.
Ainsi,
on
peut
dire
que
l’introduction
de
la
poupe
carrée
sur
les
galères
par
la
marine
Ottomane
était
une
précaution
ingénieuse,
ce
qui
démontre
que
l’esprit
novateur
ne
manquait
pas
chez
les
constructeurs
turcs.
Même,
cette
nouveauté
a
été
introduite
chez
les
vénitiens
et
au
18ème
siècle,
les
Russes
l’avaient
aussi
adopté. La marine de la Sérénissime
qualifiait ces types de galères modifiées de « galères reformées » et les Russes, de « galères à la manière turque ».
Fig.1 Le modèle d’un galère russe du milieu de 18ème siècle, dit « à la manière turque »
avec poupe carrée. Musée de la Science et Technologie, Milan.
Néanmoins,
la
«
révolution
scientifique
»
du
18ème
siècle
de
la
sphère
maritime,
a
rendu
les
galères
traditionnelles
de
la
Méditerranée
largement
obsolètes.
Pour
construire
une
flotte
à
rames
a
la
Mer
Noire,
Catherine
II
avait
obtenu
les
services
de
l’amiral
Anglais
Charles
Knowles,
un
constructeur
naval
innovant,
même
s’il
n’était
pas
un
chef
de
guerre
très
brillant.
Knowles
a
dessiné
des
grandes
canonnières
à
rames
appelées
«
les
frégates
de
nouvelle
invention
»
et
quand
celles-ci
ont
commencé
à
entrer
en
service
en
Mer
Noire
dès
1772,
elles
se
sont
rapidement
montrées
très
supérieures
aux
galères
traditionnelles
turques.
Après
1774,
pendant
la
reconstruction
de
la
marine
de
guerre,
les
Ottomans
ont
décidé
d’abandonner
les
galères
et
de
remplacer
leur
flotte
à
rames.
Comme
pour
la
plupart
des
réformes
militaires
ottomanes,
l’expertise
est
venue
de
la
France.
Sous
la
direction
de
l’ingénieur
de
la
Marine
J.
Sébastien
Le
Roy,
chef
des
experts
navals
da
la
«
grande
mission
»
française
de
1784,
un
total
de
81
chaloupes-canonnières,
armées
avec
un
pièce
de
36
ou
24,
et
un
mortier
de
dix
ou
huit
pouces
seront
construites
jusqu’en
1788.
Les
six
dernières
galères
avaient
aussi
été
réparées
et
remises
en
état
de
combat.
La
perte
de
toutes
ces
galères
pendant
la
désastre
d’Otchakov
en
1788,
quand
la
plupart
de
la
«
flotte
mince
»
était
détruite,
a
mis
le
point
final aux 350 années d’histoire de la « reine de la Méditerranée » dans la marine ottomane.
A
son
tour,
pour
développer
sa
flottille
fluviale
et
côtière
(Grebnaia
Filotilia)
après
1774,
Catherine
II
avait
obtenu
les
services
du
constructeur
Anglais
Samuel
Bentham,
frère
de
philosophe
Jeremy
Bentham
et
un
des
plus
importants
agents
de
la
révolution
scientifique
de
la
marine
au
18ème
siècle.
Sous
Bentham,
les
Russes
avaient
construit
un
total
de
61
chaloupes-canonnières
d’un
type
très
innovant
jusqu’en
1787.
Celles-ci
ont
servi
sous
les
ordres
du
Prince Nassau-Siegen à Otchakov et du mercenaire espagnol José de Ribas à Hodjabei (aujourd’hui Odessa) et sur le Danube pour la reste de la guerre.
Le
terme
générique
ottoman
pour
un
navire
à
voile
était
«
kalyon
»,
une
appropriation
du
mot
«
galion
».
Dans
la
marine
russe
comme
dans
les
marines
occidentales,
les
navires
de
ligne
étaient
classés
par
rang
selon
leur
puissance
de
feu.
La
marine
ottomane
n’utilisait
pas
ce
système
;
au
contraire
elle
classait
ses
navires
selon
la
longueur
de
leur
quille.
L’unité
de
mesure
standard
pour
exprimer
la
longueur
des
navires,
jusqu’aux
réformes
de
Mahmud
II,
était
le
«
zira
»
(aussi
appelé
«
arşın
»,
mesure
également
utilisée
en
Russie
sous
le
nom
de
«
arshina
»).
La
mesure
exacte
du
«
zira
»
variait
selon
son
utilisation
(par
exemple
dans
l’architecture)
et
selon
l’époque.
Jean
de
Lafitte-Clavé,
le
célèbre
ingénieur
du
génie
français
qui
avait
servi
l’Empire
Ottoman
dans
les
années
1780
rapporte
que
la
valeur
du
«
zira
»
de
l’arsenal
impérial
de
la
Corne
d’or
«
Tersâne-i
Âmire
»
était
de
31
pouces
6
lignes
du
roi
(86
centimètres).
La
«
longueur
de
quille
»
ottomane
à
son
tournant,
était
comprise
comme
la
longueur
entre
les
extrémités
supérieures
de
l’étrave
et
de
l’étambot.
Comme
le
démontre
les
sources
visuelles
et
écrites,
les
premiers
vaisseaux
ottomans
construits
au
milieu
du
17ème
siècle
avaient
des
lignes
hollandaises.
Ce
n’était
guère
étonnant,
car
la
Hollande
avait
le
statut
de
«
nation
favorite
»
entre
tous
les
forces
maritimes
européennes
de
l’époque
et
Mehmed
Agha,
le
premier
constructeur
des
vaisseaux
de
la
Porte,
était
un
renégat
hollandais.
Cette
situation
a
changé
pendant
la
Guerre
de
la
Ligue
Sacrée
(1683-99)
et
les
guerres
de
la
Ligue
d’Augsburg
(1688-97).
La
Hollande
était
alliée
avec
les
Habsbourgs
qui
combattaient
contre
les
Ottomans
et
la
France
en
même
temps;
Louis
XIV
menait
effectivement
une
alliance
non-déclarée
avec
la
Porte
contre
les
Habsbourgs.
En
résultat,
l’influence
Français
a
rapidement
remplacé
l’influence
hollandaise
dans
la
marine
ottomane.
Le
soldat-diplomate
italien
Luigi
Marsigli
a
rapporté
que
les
constructeurs
européens
menaient
la
construction
des
vaisseaux
à
la
Corne
d’Or
dans
les
années
1690,
tandis
que
l’ambassadeur
vénitien
rapportait
que
la
plupart
de
ces
constructeurs
étaient
des
Français.
La
construction
navale
à
la
française
était
devenue
permanente
dans
la
marine
ottomane,
comme
le
démontre
l’analyse
des
dimensions et des illustrations existantes des navires ottomans du 18ème siècle.
Les
plus
grands
navires
de
ligne
ottomans
étaient
appelés
«
üc
ambarlı
»
qui
se
traduit
par
«
trois-ponts
».
C’étaient
les
équivalents
ottomans
des
navires
de
1er
rang
russes
et
occidentaux
qui
portaient
100
canons
ou
plus
dans
trois
batteries.
Les
«
üc
ambarlı
»
avaient
en
général
une
longueur
de
55
à
61
ziras.
Le
premier
vrai
trois-ponts
ottoman
était
un
108
canons
mis
en
service
en
1697,
et
il
participa
aux
dernières
batailles
de
la
première
guerre
de
Morée
(1684-99).
Son
successeur
était
un
énorme
vaisseau
de
120
canons
mis
en
service
en
1702,
décrit
par
Pierre
Tolstoy,
le
premier
ambassadeur
russe
permanent à la Sublime Porte.
L’apogée
des
trois-ponts
ottomans
fut
atteinte
en
1738
avec
un
total
de
quatre
trois-ponts
armés.
Les
décomptes
des
russes
de
la
bataille
de
Tchesmé
(1770)
signalent
la
présence
de
deux
trois-ponts
dans
la
flotte
ottomane,
un
de
100
canons
et
un
autre
de
96
canons.
Cependant
ce
décompte
est
faux.
A
la
suite
de
la
fin
de
la
menace
vénitienne
en
1739,
la
marine
ottomane
se
sépara
de
ses
très
onéreux
trois-ponts.
Le
dernier
trois-ponts
mis
en
service
avant
les
réformes
du
«
Nizam-ı
Cedid
»
(avant
1798)
fut
le
«
Nüvid-i
Fütûh
»
(Le
précurseur
des
conquêtes)
mis
en
service
en
1754.
Ce
navire,
long
de
61
ziras,
percé
à
120
sabords,
existait
encore
en
1768,
mais
en
piètre
état
et
il
n’y
eut
jamais
la
moindre
intention
de
le
remettre
en
état
pour
le
combat.
A
la
suite
de
la
bataille
de
Tchesmé,
il
fut
hâtivement
converti
en
batterie
flottante
pour
le
cas
où
les
russes
passeraient
les
Dardanelles,
et
finalement
démoli
en 1774. Aucun trois-ponts russe ou ottoman ne participa aux combats durant les guerres russo-turques.
Le
gros
des
navires
de
ligne
ottomans
était
constitué
par
des
deux-ponts.
Ils
étaient
de
deux
types
:
les
«
grands
galions
»
(Kebir
Kalyon)
qui
étaient
des
navires
d’une
longueur
de
quille
de
50
ziras
ou
plus,
percés
entre
64
et
74
sabords
et
les
«
petits
galions
»
(Sagir
Kalyon)
d’une
longueur
de
quille
de
43
à
50 ziras et percés de 50 à 60 sabords.
Le
plus
grand
type
de
deux-ponts
était
percé
à
74
sabords
avec
une
longueur
de
quille
de
55
ziras.
La
distribution
des
sabords
était:
30
à
la
première
batterie,
28
à
la
seconde
et
16
aux
gaillards.
Le
premier
exemplaire
de
cette
série
fut
le
«
Burc-ı
Zafer
»
(Constellation
de
la
Victoire)
achevé
en
1750.
Avec
des
dimensions
égales
à
celles
d’un
trois-ponts
(üç
ambarlıya
bedel)
et
assez
grand
pour
que
le
renseignement
russe
les
classent
comme
«
86
canons
»;
ces
vaisseaux
étaient
des
substituts
moins
onéreux
aux
vaisseaux
de
la
Grande
Flotte.
Ils
furent
moins
nombreux
en
nombre
avec
trois
navires
sur
la
liste
navale
de
1768
et
tous
furent
perdus
deux
ans
plus
tard
à
Tchesmé.
Quatre
autres
unités
furent
construites
de
1772
à
1790,
la
dernière,
le
«
Bahr-i
Zafer
»
(Victoire
de
la
Mer)
fut
achevé
en
1790
au
milieu
de
la
seconde
guerre,
et
l’un
d’eux,
le
«
Melik-i
Bahr»
(Souverain
des
mers)
fut
incendié
à
la
bataille
de
Tendra
un
1790.
La
distribution
des
sabords,
et
la
longueur
très
voisine
en
font
une
copie
du
fameux
74
canons
de
la
Royale
«
Le
Téméraire
»
de
1750
(dessiné
par
les
Coulomb
Père
et
Fils),
ce
qui
permet
d’imaginer
la
possibilité
étonnante
-
mais
pas
impossible
du
tout
d’un
copiage
par
les
ottomans
autour
d’un
projet
du
vaisseau
plus
récent
et
moderne.
Néanmoins,
nous
voyons
que
dès
la
deuxième
guerre
contre
Catherine
II,
les
«
vieux
»
74
ne
donnaient plus satisfaction. Le sultan Selim III avait décrit le « Bahr-i Zafer » comme « mal proportionné » (endazesiz), à la suite de quoi il ordonna d’arrêter
la construction de ce type de vaisseau.
L’épine
dorsale
de
la
ligne
de
bataille
ottomane
était
composée
de
navires
de
51
ziras
de
quille
et
62
sabords.
Encore
une
fois,
ces
vaisseaux
étaient
de
grande
taille
et
le
renseignement
russe
les
décrit
comme
des
«
74
».
En
1768,
il
y
avait
cinq
vaisseaux
de
ce
type
(un
très
âgé
et
inutilisable)
et
trois
furent
perdus
à
Tchesmé.
De
1772
à
1791,
dix
nouvelles
unités
furent
construites
(cependant
une
des
unités
fut
lancée
comme
frégate
rasée
de
44
canons).
L’un
d’eux,
la
«
Peleng-i
Bahr
»
(Tigre
de
Mer)
fut
capturé
par
la
Flotte
russe
de
la
Mer
Noire
(FMN)
à
la
bataille
de
Tendra
en
1790.
Renommé
«
Ioann
Predtetcha
»
(St.
Jean
le
Baptiste)
et
remis
en
service,
ses
remarquables
plans
dessinés
par
le
chef
constructeur
du
FMN
A.S.
Katasonov
sont
les
seuls
survivants
d’un
navire
de
ligne
ottoman
du
18e
siècle
et
leur
redécouverte
dans
les
archives
russes
a
révolutionné
notre
compréhension
de
la
technologie
navale
ottomane.
Selon
ces
plans,
le
64
Ottoman
avait
165
pieds
4
pouces
long
a
la
batterie,
53
pieds
6
pouces
en
largeur
et
18
pieds
10
pouces
de
profondeur
en
mesures
anglaises.
Elle
avait
28
sabords
à
la
première
batterie,
26
a
la
seconde
et
10
aux
gaillards.
Au
service
des
russes,
il
a
pu
facilement
porter 82 canons, ce qui démontre la potentiel réel de ce type du vaisseau.
Fig.
2.
Les
lignes
du
Peleng-i
Bahr
/
Ioan
Predtetcha,
redessiné
par
Laszlo
Veres
depuis
le
plan
original
conservé
aux
Archives
Navales
russes
de
Saint
Pétersbourg.
Notre
connaissance
des
«
petits
kalyons
»
est
malheureusement
beaucoup
plus
limitée.
Durant
les
30
années
de
paix
entre
le
traité
de
Nis
(1739)
et
la
cassure
de
la
guerre
russo-turque
en
1768,
ces
petits
vaisseaux
eurent
la
préférence
de
l’amirauté
turque
et
ils
étaient
mieux
équipés
pour
les
tâches
standards
du
temps
de
paix,
c’est
à
dire
les
patrouilles
contre
les
pirates
et
l’escorte
annuelle
du
convoi
(ou
«
caravane
»)
d’Alexandrie.
Un
autre
point
important
était
les
conditions
des
campagnes
en
Mer
Noire
qui
étaient
strictement
limitées
à
un
caractère
côtier
et
amphibie.
Des
petits
navires
avec
un
faible
tirant
d’eau
étaient
plus
utiles
dans
de
telles
conditions.
En
1768
les
petits
galions
formaient
la
majorité
de
la
flotte
ottomane
avec
onze
unités
dont
l’une
fut
incendiée
à
Tchesmé
et
une
autre,
le
«
Semend-i
Bahr»
(Cheval
de
Mer)
étant
capturée
lors
de
la
même
bataille.
Que
peut-on
dire
sur
les
spécifications
de
ces
navires
?
Les
documents
Ottomans
spécifient
des
kalyons
de
47,
45
et
43
ziras
mais
rien
de
plus.
En
1768,
le
type
«
43
ziras
»
était
le
plus
nombreux
avec
cinq
unités
;
suivi
par
quatre
unités
de
45
ziras
et
deux
de
47.
Un
rapport
vénitien
de
1759
spécifie
une
classe
de
vaisseau
de
«
secondo
rango
»
(deuxième
rang)
dont
la
quille
est
110
piedi
(pieds
vénitien)
avec
56
sabords
(24
à
la
première
batterie,
22
a
la
seconde
et
10
aux
gaillards).
Une
autre
classe
de
petite
«
navi
»
(vaisseau)
est
décrite
comme
«
Alessandrine
»
(d’Alexandrie)
mais
il
est
presque
certain
que
ceux-ci
sont
en
réalité des grandes caravelles.
Dans
le
cauchemar
de
la
désastreuse
guerre
de
1768-74,
comme
la
marine
ottomane
était
en
train
de
se
reconstruire
en
vue
de
l’inévitable
campagne
de
libération
de
la
Crimée,
une
modernisation
des
petits
kalyons
eut
lieu.
En
fait,
le
petit
vaisseau
était
la
première
classe
de
navires
de
guerre
ottomans
qui
eut
subi
une
modernisation.
L’historien
Turc
Enver
Ziya
Karal
avait
écrit
en
1942,
qu’une
«
frégate
»
française
avait
été
achetée
par
La
Porte
en
1774
pour
servir
comme
modèle
aux
constructeurs
Ottomanes.
En
fait,
ce
n’était
pas
une
frégate
mais
le
vaisseau
de
58
canons
«
Ferme
»
de
la
classe
«
Bordelais
»,
dessiné
par
le
fameux
constructeur
Antoine
Groignard
et
mis
en
service
en
1763.
Ces
vaisseaux
de
faible
tirant
d’eau
furent
demandés
par
Choiseul
pour
servir
dans
les
eaux
peu
profondes
autour
de
Dunkerque,
mais
finalement
considérés
comme
une
échec
et
devenus
les
derniers
de
leur
type
(vaisseaux
de
50)
de
la
Royale.
Mais
comme
on
dit,
«
ce
qui
est
déchet
pour
un,
est
le
trésor
pour
l’autre
».
Le
Ferme,
avec
un
armement
de
24
et
12
livres,
était
considérablement
supérieur
à
ses
pairs
ottomans
et
son
faible
tirant
d’eau
était
juste
ce
qui
était
nécessaire
pour
servir
en
mer
d’Egée
et
en
Mer
Noire.
Si
on
interprète
les
remarques
de
J.
S.
Le
Roy,
on
peut
constater
qu’au
moins
quatre
copies
du
Ferme
avaient
été
construites
dans
les
chantiers
ottomans
jusqu’au
1786.
Le
Ferme
lui-même,
renommé
«
Mazhar-ı
Tevfik
»
(Glorieux)
au
service
ottoman
et
classifié
comme
une
kalyon
de
43
ziras,
est
démoli
en
1786. Un an après, au commencement de la guerre, il existait huit vaisseaux de 43 ziras, deux de 45 et deux de 47, soit un total de douze petits kalyons.
Le
dernier
type
de
vaisseau
ottoman,
qui
faisait
partie
des
flottes
combattant
contre
les
Russes,
était
en
même
temps
le
plus
original.
Le
Karavele
(caravelle
dans
les
sources
européennes),
représente
l’unique
contribution
turque
à
la
technologie
de
l’ère
des
voiliers.
Le
fameux
corsaire
écossais-américain
John
Paul
Jones,
qui
avait
commandé
dans
le
corps
des
voiliers
de
la
flotte
Russe
pendant
la
bataille
d’Otchakov
en
1788,
avait
inspecté
les
épaves
des
quelques
caravelles
et
fait
une
description
courte
mais
précise
de
ce
type
de
navire
«
un
vaisseau
de
4ème
rang
avec
largeur
d’un
de
3eme
rang
».
Aussi,
il
avait
pensé
que
ces
navires
n’étaient
que
des
navires
marchands
armés.
Il
avait
raison.
La
caravelle
était
le
produit
d’un
agrément
entre
la
Sublime
Porte
et
les
armateurs
d’Egypte.
Comme
les
historiens
de
la
Royale
le
savent
bien,
la
construction
des
escadres
de
guerre
est
une
entreprise
qui
nécessite
de
dépenses
immenses.
Les
gouvernements
qui
doivent
maintenir
de
grandes
armées
de
terre
font
face
à
des
problèmes
financiers
et
humains
souvent
insurmontables
quand
il
faut
construire
une
flotte
de
guerre.
Pour
l’Empire
ottoman,
avec
ses
sources
de
revenus
affaiblis
pendant
le
17ème
siècle,
lutter
contre
ce
problème
récurrent
était
peut
être
dix
fois
plus
difficile.
Quand
le
premier
Codex
Naval
Ottoman
fut
promulgué
en
1701,
le
but
à
atteindre
était
la
construction
de
40
vaisseaux.
Ce
but
représentait
une
dépense
énorme,
que
le
Trésor
de
la
Porte
ne
pouvait
pas
couvrir.
La
solution
pour
diminuer
ces
dépenses, a aussi contribué à la naissance à la caravelle.
Depuis
la
conquête
d’Egypte
en
1517,
une
sorte
de
syndicat
des
marchands-armateurs
s’était
formé
à
Constantinople.
Ces
négociants
-
la
majorité
était
des
Turcs
musulmans
-
jouissaient
d’un
monopole
exactement
similaire
à
celui
des
marchands
espagnols
qui
négociaient
avec
les
colonies
d’Espagne
au
Nouveau
Monde.
L’Egypte
était
(et
çela
continue
de
nos
jours)
un
des
pays
les
plus
populeux
du
monde
Islamique,
mais
en
même
temps
souffrait
d’un
manque
de
matériaux
basiques
:
bois,
métaux
et
briques
pour
l’architecture
de
toutes
sortes
et
pour
la
production
d’outils
pour
l’agriculture
ou
pour
la
guerre.
Les
négociants
d’Egypte
de
Constantinople
jouissaient
du
monopole
de
les
transporter
et
de
la
vente
de
ces
matériaux
en
Egypte
et
en
retour,
ils
transportaient
blé,
café,
épices
et
souvent,
les
esclaves
noirs
à
Constantinople.
Le
blé
était
vital
pour
nourrir
la
population
énorme
de
la
capitale
impériale.
Vente
de
café
et
épices
était
une
source
de
revenus
indispensable
pour
les
janissaires,
qui,
depuis
la
grande
crise
du
milieu
de
17ème
siècle,
avaient
gagné
le
privilège
de
posséder
les
salons
de
café
pour
augmenter
leurs
salaires
de
plus
en
plus
maigres
à
cause
de
l’inflation
incontrôlable.
Enfin,
la
vente
des
esclaves
était
une
source
de
revenus
importante
pour
l’Etat
en
raison
des
impôts
sur
le
commerce
des
êtres
humains.
La
disruption
de
ce
ravitaillement,
stratégique
et
vital,
causait
souvent
des
catastrophes
politiques
et
sociales
:
les
rebellions
de
la
faim
et
mutineries
des
janissaires
qui
souvent
finissaient
avec
des
révolutions
de
palais
et
la
chute
(et
souvent
la
mort
sanglante)
des
sultans
et
ses
officiers.
Pour
garantir
la
sécurité
de
ce
commerce
vital,
les
navires
des
négociants
utilisaient
un
système
de
navigation
tout
à
fait
semblable
au
système
espagnol
:
un
convoi
bien
armé
qui
traversait
le
Méditerranée
Levantine
deux
fois
par
an.
Mais
malgré
cela,
pendant
la
guerre
de
Crète
(1644-69)
et
la
guerre
de
la
Ligue
Sainte
(1684-99),
ces
convois,
appelés
«
la
caravane
d’Alexandrie
»,
avaient
subi
de
lourdes
pertes
aux
mains
des
ennemis
vénitiens
et
maltais.
Le
négoce
d’Egypte
était
un
commerce
de
vrac
:
ici
on
parle
du
transport
des
cargaisons
lourdes
et
volumineux
(plusieurs
tonnes
de
blé,
des
centaines
d’arbres,
des
milliers
de
briques,
lingots
etc.)
qui
nécessitait des gros navires à voile.
En
fait,
longtemps
avant
la
maitrise
de
l’utilisation
des
grands
voiliers
par
la
flotte
ottomane,
le
secteur
civil
s’était
habitué
à
ce
type
de
navigation.
Après
la
transformation
de
la
Marine
ottomane
en
une
flotte
de
navires
à
voile
(formalisée
en
1701),
les
dirigeants
de
l’amirauté
ont
vu
une
solution
prometteuse
avec les caravanes d’Alexandrie, pour maintenir de nombreux vaisseaux au temps de paix et en même temps, pour diminuer les dépenses.
Comme
la
construction
d’un
grand
navire
était
couteuse,
sa
perte
à
la
guerre
ou
à
cause
des
pirates
était
souvent
ruineuse
pour
le
propriétaire
et
après
les
pertes
des
guerres
récentes,
les
négociants
d’Egypte
cherchaient
à
obtenir
l’appui
de
l’Etat.
Après
des
négociations
entre
eux,
la
solution
fut
formalisée
avec
un
firman
en
1708.
Selon
ce
firman,
les
navires
des
négociants
en
Egypte
devaient
être
construits
aussi
pour
l’utilisation
navale
en
temps
de
guerre.
Les
négociants
acceptaient
de
mettre
leurs
navires,
complets
avec
équipages,
au
service
de
l’escadre
en
cas
de
besoin.
En
retour,
l’amirauté
acceptait
de
couvrir
la
plupart
du
coût
de
construction
de
chaque
navire
et
en
cas
de
perte
pendant
le
service
naval,
remplacerait
le
vaisseau
gratuitement
pour
le
propriétaire.
Avec
cet
arrangement,
ce
qu’on
peut
appeler
la
«
flotte
de
réserve
»
était
formée
pour
une
coût
de
maintenance
minimal.
On
peut
même
dire
que,
c’est
une
version
«
renversée
»
de
la
politique
navale
du
Roi
Soleil
après
la
Hogue
(1692),
selon
laquelle
la
plupart
des
escadres
étaient
mises
en
réserve
et
les
unités
disponibles
étaient
louées
aux
armateurs
privés
(corsaires)
qui
ont
mené
une
guerre
de
course
dévastatrice
contre
le
commerce
Anglo-Hollandais.
A
ce
moment,
je
voudrais
même
prendre
une
petite
liberté
pour
émettre
une
hypothèse
:
était-il
possible
que
les
Ottomans,
suivant
toujours
la
France
avec
attention,
aient
observé
et
se
soient
inspirés
de
la
«
privatisation
»
de
la
flotte
Française
dans
les
dernières
décennies
du
Roi
Soleil
?
De
plus,
un
des
dirigeants
de
la
marine
Ottomane
pendant
cette
période
était
Frenk
Abdurrahman
Pacha,
le
chef
lieutenant
du
célèbre
Mezzo
Morto
Hüseyin
(le
Capitan
Pacha
reformateur
du
fin
de
17ème
siècle)
et
comme
son
épithète
«
Frenk
»
implique,
un
renégat
Français.
Avec
un
Français
menant
effectivement
la
stratégie
navale
Ottomane
au
commencement
du
18ème
siècle,
il
pouvait
être
naturel
de
s’inspirer
de
la
France.
A
mon
avis,
c’est
une
possibilité qui mérite attention.
Le
nouveau
type
de
navire
des
marchands
d’Egypte
navalisés
a
reçu
une
classification
nouvelle
:
Karavele/Caravelle.
Mais,
ce
mot
n’était
pas
lié
au
carabela
ancien
des
Portugais.
La
Karavele
turque
venait
du
«
karabia/karavia
»
grec,
un
mot
générique
qui
voulait
simplement
dire
«
trois
mats
carré
»
en
vocabulaire
maritime
levantin
du
18ème
siècle.
En
théorie
il
existait
deux
types
de
caravelle
:
grande
et
petite.
Le
rapport
vénitien
du
1759
nous
informe
que
la
petite
caravelle
avait
une
quille
de
78
piedi
et
36
sabords
:
16
à
la
première
batterie,
14
a
la
seconde,
6
aux
gaillards.
La
grande
caravelle
avait
une
quille
de
92
piedi
et
48
sabords
:
20
a
la
première
batterie,
18
a
la
seconde
et
10
aux
gaillards.
Les
documents
Ottomans,
à
leur
tour,
nous
informent
que
la
quille de la petite caravelle était de plus ou moins 38 ziras et celle de la grande était 41 ziras selon le système turc de mesure.
Mais
aussi,
surtout
pendant
les
guerres
contre
Catherine
II,
on
voit
quelques
caravelles
même
plus
grandes,
avec
une
quille
de
43
ziras.
L’une
de
ces
unités,
le
«
Ejder
Başlı
»
(Dragon
à
la
Proue)
est
capturé
par
les
Russes
lors
du
désastre
d’Otchakov
en
1788
et
remis
en
service
dans
la
Flotte
de
Mer
Noire
sous
le
nom
«
Leontii
Moutchennik
»
(Le
Martyr
Leontius).
Le
chef
constructeur
Katasonov
a
même
réalisé
une
maquette
extraordinaire
d’Ejder
Başlı/Leontii
Moutchennik,
qui
se
trouve
aujourd’hui
dans
la
collection
du
Musée
Central
de
la
Marine
Russe
a
St.
Petersbourg.
L’étude
de
cette
maquette
démontre
une
coque
très
particulière,
qui
affiche
la
fonction
avant
tout
marchande
de
la
caravelle.
Les
dimensions
du
navire
sont
144’
x
44’
5’’
x
16’
6’’
en
mesure
anglaise.
Le
premier
pont
a
seulement
une
demi-batterie
avec
18
sabords,
le
deuxième
est
complet
avec
24
sabords
et
les
gaillards
(surtout
l’arrière)
sont
lourdement
armés
avec
16
sabords.
Au
total,
on
voit
58
sabords.
Sur
la
plage
arrière,
on
voit
une
structure
très
inhabituelle
et
gênante,
en
forme
de
dunette
orientale.
En
fait,
cette
«
dunette
»
était
comme
le
symbole
de
la
caravelle
chez
les
navigateurs
occidentaux
du
Levant,
et
un
élément
de
dérision
et
de
ridicule.
Il
est
certain
qu’une
telle
surcharge
de
la
coque
avec
cette
superstructure
additionnelle
ne
pouvait
pas
aider
à
la
stabilité.
La
taffarel
très
haute est richement ornée avec des sculptures élégantes
de style florissante typiquement islamique.
Fig.
3.
Photo
du
Ejder
Başlı
/
Leontii
Moutchennik,
remarquable
modèle
d’arsenal
actuellement
dans
les
collections
du
Musée
Central
Naval
de
St
Pétersbourg.
Ce
modèle
a
été
longtemps
considéré
comme
représentant
le
Semend-i
Bahr,
capturé
lors
de
la
bataille
de
Tchesmé
et
renommé
Rodos
par
les russes.
Avec
sa
double
fonction,
la
caravelle
ottomane
était
l’homologue
du
galion
espagnol
ou
du
«
East
Indiaman
»
-
«
Oostvaarder
»
des
Anglais
et
Hollandais.
Sans
doute
du
fait
de
leur
utilité,
les
caravelles
sont
rapidement
devenues
les
navires
favoris
de
la
marine
ottomane.
Contrairement
aux
propres
vaisseaux
de
guerre
qui
passaient
la
majorité
de
leur
vie
en
réserve
à
la
Corne
d’Or,
les
caravelles
naviguant
entre
Constantinople
et
les
ports
du
Levant
pour
des
transports
marchands
étaient
très
visibles
et
devenues
le
symbole
de
la
marine
ottomane
au
18ème
siècle.
En
1750,
l’année
qui
représente
le
plus
bas
numérique
de
la
flotte
ottomane
avec
seulement
8
navires
de
guerre
en
condition
de
service
à
la
Corne
d’Or,
il
existait
8
caravelles
à
la
mer.
En
fait,
les
Occidentaux ont commencé à appeler tous les vaisseaux ottomans « caravelles ».
En
1768,
au
commencement
de
la
guerre,
il
existait
encore
8
unités
de
ce
type.
Mais
le
déroulement
catastrophique
de
ce
conflit
a
déclenché
la
fin
de
la
caravelle.
Après
Tchesmé,
la
Porte,
paniquée
pour
la
sécurité
du
ravitaillement
de
la
capitale,
prit
la
décision
fatidique
de
concéder
aux
armateurs
Français
une
participation
au
transport
des
cargaisons
entre
Alexandrie
et
Constantinople.
Cette
mesure
avait
assuré
ce
ravitaillement
vital
sous
le
drapeau
neutre
de
la
puissante
France
;
mais
après
la
guerre,
privé
de
leur
monopole,
les
négociants
de
Constantinople
ne
pouvaient
guère
rivaliser
avec
les
«
caravanistes
»
français
à
la
mer,
qui
jouissaient
d’un
appui
financier
et
maritime
plusieurs
fois
supérieur
au
leur.
Avec
la
chute
rapide
des
armateurs
turcs
après
1770,
la
caravelle
a
aussi
perdu
sa
raison
d’être
et
à
partir
de
1778,
elle
a
graduellement
laissé
sa
place
à
une
nouvelle
classe
de
navire,
la
frégate.
Les
cinq
ou
six
derniers
caravelles
qui
ont
survécu
jusqu’au
1788,
ont
la
plupart
été
perdues
à
Otchakov
et
les
deux
survivantes
ont
rapidement
été
démolies
après
la
guerre.
L’introduction
de
la
frégate
(firkateyn
en
turc)
dans
la
marine
turque
est
un
sujet
confus
et
mal
compris.
Des
rapports
de
témoins
russes
de
la
bataille
de
Tchesmé
et
du
doyen
de
l’historiographie
navale
turque,
Fevzi
Kurtoğlu,
notent
la
présence
de
frégates
dans
l’escadre
ottomane
de
la
Méditerranée
durant
la
campagne
de
1770.
Grâce
aux
études
novatrices
de
Yusuf
Alperen
Aydın’s
et
Tuncay
Zorlu,
nous
savons
maintenant
que
ces
anciennes
hypothèses
étaient
fausses
et
étaient
le
résultat
d’une
erreur
d’identification.
La
première
frégate
entrée
dans
la
marine
ottomane
le
fut
en
1778
par
un
achat
en
Angleterre.
En
1787,
il
y
avait
un
total
de
10
frégates
opérationnelles,
mais
provenaient
soit
d’achat
à
l’étranger,
soit
de
navires
de
ligne
rasés.
C’est
seulement
pendant
les
réformes
du
Nizam-ı
Cedid
que
les
premières
vraies
frégates
construites
en
Turquie
apparurent.
Durant
la
guerre
de
1787-92,
les
ottomans
les
utilisèrent
régulièrement
dans
la
ligne
de
bataille,
et
plus
spécialement
les
cinq
navires
rasés
qui
avaient
gardé
leur
artillerie
lourde
de
la
batterie du pont inférieur.
En
dessous
des
frégates,
il
y
avait
de
grandes
bombardes
appelées
frégates-bombardes
(bomba
firkateyni)
et
grands
chébecs
(şehtiye).
Ces
navires
étaient
tous
des
trois-mâts
à
gréement
carré
équipés
de
24
à
30
sabords.
La
douzaine
de
petits
croiseurs
sur
les
listes
navales
de
1787
créèrent
la
confusion
des
témoins oculaires russes et causa une inflation du nombre de frégates ottomanes rencontrées lors des batailles.
LA TECHNOLOGIE NAVALE OTTOMANE : MYTHES ET REALITES
Tous
les
témoins
oculaires
non
ottomans
de
cette
époque
sont
unanimes
à
décrire
les
navires
ottomans
avec
des
poupes
et
des
ponts
élevés.
Un
rapport
français de l’ère de Selim III, intitulé « Essai sur la Puissance Navale des Turcs » résume bien l’opinion générale des occidentaux avant l’ère de la réforme :
Il
n’y
a
pas
encore
longtemps,
les
vaisseaux
turcs
s’élevaient
sur
l’eau,
surtout
à
la
poupe,
d’une
manière
disproportionnée.
Le
vent
avait
beaucoup
de
prise
sur
ces
bâtiments.
Ils
étaient
lourds
dans
tous
leurs
mouvements,
toujours
en
dérive
et
d’autant
plus
exposés
aux
coups
de
mer,
enfin
dans
les
combats
ils
présentaient
une
large
but
aux
boulets
ennemis.
Leur
marche
était
pesante
et
leurs
virements
de
bord
très
lents
parce
que
leurs
manœuvres
étaient
sans
ordre
et
sans
précision.
Dans
l’intérieur,
les
bâtiments
turcs
étaient
grands
et
spacieux,
construits
en
bois
de
chêne,
mais
les
coques
étaient
faibles
à
cause
de
la
distance
entre
les
principaux
couples.
Ils
n’avaient
aucune
longévité,
en
peu
de
temps
faisaient
eau
sans
qu’on
put
les
en
préserver
par
le
calfatage
le
plus
soigneux.
L’artillerie
de
marine
consistait
en
canons
de
cuivre
mais
d’un
calibre
inégal
et
d’un
service
pénible
et
lent.
Les
batteries
étaient
pour
la
plupart encombrées ce qui augmentait la lenteur et désordre.
Fait
intéressant,
Mahmud
Raif
Efendi,
qui
a
écrit
en
français
le
fameux
livre
de
propagande
sur
les
réformes
Nizam-ı
Cedid
de
Selim
III,
donne
aussi
la
même
description
des
navires
avant
les
réformes
à
propos
des
innovations
navales.
D’un
autre
côté,
les
témoignages
oculaires
des
russes
qui
étaient
à
la
réception
des
canons
turcs
capturés,
donnèrent
un
avis
presque
opposé
:
en
ce
qui
concerne
la
qualité,
les
turcs
avaient
des
navires
supérieurs
aux
russes,
avaient
des
coques
doublées
en
cuivre,
de
très
grandes
voiles
assurant
une
vitesse
supérieure
;
de
sorte
qu’ils
étaient
capables
de
dicter
le
lieu
et
l’heure
de
leurs
des
engagements
selon
leur
décision.
Grâce
à
la
découverte
des
tirants
d’eau
des
navires
ottomans
trouvés
dans
les
archives
russes
et
aux
dernières recherches des chercheurs turcs, nous pouvons maintenant en tirer des conclusions définitives au regard de ces descriptions opposées.
Le
premier
point
à
étudier
est
la
poupe
haute
et
le
faible
ratio
longueur/largeur
du
kalyon
ottoman.
Les
remarquables
plans
du
Peleng-i
Bahr/Ioann
Predtetcha
vérifient
que
les
descriptions
verbales
sont
en
effet
majoritairement
correctes.
La
hauteur
imposante
de
la
poupe
dans
les
plans
attire
immédiatement
l’attention
de
même
que
la
grande
section
transversale
;
les
mesures
fournies
par
ce
plan
pour
le
pont
principal
est
de
47.60
mètres
et
la
largeur
maximale
de
16.3
mètres,
le
Peleng-i
Bahr
a
un
ratio
longueur/largeur
étonnant
de
3/1.
De
telles
proportions
sont
typiques
des
navires
de
commerce contemporains ; aucun navire de ligne russe ou occidental de l’époque n’a un ratio inférieur à 4/1.
Les
vérifications
des
descriptions
des
observateurs
français
et
Mahmud
Raif
Efendi
portent
sur
le
second
point,
concernant
les
qualités
de
voilier
du
navire
de
ligne
ottoman.
Malheureusement
le
plan
russe
n’inclut
aucun
détail
sur
les
mâts,
espars
et
voiles
ni
aune
autre
information
écrite
après
la
capture
du
Peleng-i
Bahr.
Ainsi
il
n’est
pas
possible
de
confirmer
les
très
grandes
voiles
et
espars
qui
apparaissent
dans
les
descriptions
russes.
Concernant
les
proportions,
un
navire
avec
un
faible
ratio
longueur/largeur
était
plus
lent
et
plus
difficile
à
manœuvrer
qu’un
navire
avec
une
coque
plus
étroite.
Cela
signifie-t-il
que
les
français
et
Mahmud
Raif
Efendi
étaient
encore
corrects
?
Cependant
les
faits
demeurent
;
les
navires
ottomans
étaient
toujours
capables
de distancer leurs opposants russes dans les deux guerres.
Un
fait
important
constaté
par
les
officiers
russes,
corroboré
par
les
récits
maritimes
en
langue
russe,
est
que
les
coques
des
navires
ottomans
étaient
doublées
de
cuivre
contre
les
salissures
des
organismes
marins,
un
gros
avantage
pour
une
navigation
sans
problème.
Grâce
aux
recherches
de
Tuncay
Zorlu,
nous
savons
que
cette
supposition
n’était
pas
vraie
:
il
n’y
pas
de
navires
doublés
en
cuivre
dans
la
marine
turque
avant
1793.
Il
est
nécessaire
de
trouver la réponse à ce dilemme ailleurs.
Un
rapport
de
renseignement
vénitien
de
1725,
récemment
redécouvert,
donne
une
description
détaillée
de
deux
trois-ponts
sur
les
cales
du
chantier
de
Sinope
en
Mer
Noire.
Un
détail
majeur
noté
dans
le
rapport
est
que
le
kalyons
étaient
construits
selon
le
système
«
charpente
simple
»
employé
à
l’arsenal
de
Venise.
Le
système
à
«
charpente
simple
»
était
la
méthode
standard
utilisée
par
les
byzantins,
héritée
par
Venise
et
l’empire
ottoman.
La
méthode
du
système
à
«
charpente
simple
»
aboutit
à
une
coque
très
légère
due
au
faible
nombre
de
membrures.
Il
s’ensuit
une
coque
trop
fragile
pour
supporter
des
poids
supplémentaires
et
incapable
de
supporter
des
dommages
au
combat.
Un
regard
sur
les
plans
du
Pelena-i
Bahr
révèle
une
telle
coque
délicate
avec
peu
de
membrures
et
un
bordage
mince,
presque
comme
une
coquille
d’œuf,
confirmant
l’observation
vénitienne.
Ainsi
les
coques
«
à
charpente
simple
»
relativement
légères
des
navires
de
ligne
ottomans,
aident
à
expliquer
leur
avantage
de
vitesse
sur
les
navires
russes
à
«
charpente
double
»
et
à
bordages
lourds, construits selon les standards océaniques.
Après
la
qualité
de
la
coque
et
les
caractéristiques
de
manœuvrabilité
d’un
navire
de
guerre,
la
puissance
de
feu
est
le
second
facteur
important.
Heureusement
des
documents
détaillés
sur
les
canons
et
les
allocations
de
munitions
ont
survécu
dans
les
archives
ottomanes.
Comme
dans
les
autres
marines,
les
canons
de
marine
ottomans
étaient
classés
d’après
le
poids
de
leurs
boulets.
L’unité
de
poids
était
le
kıyye,
ou
okka
qui
pesait,
en
théorie,
2,826 livres mais en réalité, changeait selon les régions de l’Empire. On en tire la table de conversion des calibres ottomans suivante :
Calibre en Kıyyes
Homologue Occidental (en Livres)
14
36
9
24
5
12
3
8
1.5
4
La
marine
ottomane
était
la
seule
-
sauf
quelques
exceptions
–
à
armer
tous
ses
kalyons
et
même
ses
petites
caravelles
avec
une
artillerie
tout
en
bronze.
Dans
les
flottes
atlantiques
et
russe,
seuls
quelques
navires
de
prestige
étaient
armés
de
canons
de
bronze.
Il
est
bien
connu
dans
l’histoire
des
canons
que
les
canons
de
bronze
sont
plus
légers,
plus
sûrs
et
supérieurs
aux
canons
en
fer
jusqu’à
la
fin
du
18e
siècle.
Cependant
leur
fabrication
coûtait
plus
cher.
Il
y
a
une
forte
probabilité
que
cet
inconvénient
économique
joua
aussi
un
rôle
dans
la
pratique
ottomane
de
sous-armer
ses
bateaux
de
guerre
du
fait
de
la
difficulté à produire assez de canons.
L’arsenal
naval
ottoman
avait
aussi
une
arme
particulière
et
rarement
utilisée
:
le
canons
kantar.
Le
kantar
est
une
vielle
unité
de
poids,
égale
à
112
livres
et,
bien
que
semblant
non
crédible
à
première
vue,
indique
le
poids
du
boulet.
Le
canon
kantar
représente
l’apogée
de
l’ère
des
bombardes
dites
«
basilics
»
de
la
Renaissance
et,
comme
ses
prédécesseurs,
tirait
des
boulets
de
marbre.
Le
dessin
en
était
cependant
inversé,
le
«basilic»
avait
un
affût
extrêmement
long,
par
contraste
l’affût
du
kantar
était
très
court
sans
utilité
sauf
pour
les
tirs
à
bout
portant.
Alors
que
le
boulet
de
marbre
a
une
densité
presque
trois
fois
inférieure
à
celle
du
fer,
le
canon
kantar
utilisait
moins
de
poudre
à
chaque
tir
et
en
conséquence
leurs
affûts
pouvaient
être
fabriqués
avec des enveloppes plus fines.
Des
affûts
courts
et
légers
induisaient
qu’ils
n’étaient
pas
plus
lourds
que
les
canons
habituels
du
premier
pont
où
les
canons
kantar
étaient
aussi
montés.
Les
sources
vénitiennes
attribuent
l’invention
du
canon
kantar
au
Capitan
Pacha
Mezzo
Morto.
Cette
arme
était
initialement
de
deux
types
:
affûts
de
1
et
3
kantars,
ce
qui
donnait
un
lanceur
de
pierres
de
112
livres
et
un
pierrier
monstrueux
de
336
livres.
La
première
utilisation
d’un
canon
de
1
kantar
lors
d’une
bataille
en
1697,
et
les
premiers
canons
de
3
kantars
furent
déployés
en
1717,
quand
un
kalyon
armé
de
deux
de
ces
canons
presque
coula
le
vaisseau
amiral
vénitien
à
la
bataille
d’Imbros.
Dans
son
rapport
détaillé
sur
la
marine
ottomane,
l’ambassadeur
Pierre
Tolstoy
décrit
avec
dérision
les
canons
kantars comme produisant « plus de bruit qu’autre chose ».
Fig.4.
Comparaison
d’échelle
d’un
affût
de
3-kantar,
d’un
de
1-kantar
et
la
vue
de
coupe
d’un
affût
de
3-kantar
;
avec
l’élingue
et
la
poulie
pour
soulever
l’énorme boulet de marbre de 336 livres. Ces croquis font partie d’un rapport d’espionnage vénitien de 1725.
Néanmoins,
Gazavat-ı
Gazi
Hasan
Paşa
(la
semi-autobiographie
de
Gazi
Hasan
Pacha,
le
commandant
opérationnel
en
1770)
note
que
le
canon
à
marbre
de
3
kantars,
pouvait
avoir
joué
un
rôle
dans
le
naufrage
du
vaisseau
amiral
russe
Sv.
Evstafii
dans
un
combat
rapproché
durant
la
bataille
de
Tchesmé.
Les
canons
de
1
et
3
kantars
tombèrent
apparemment
en
défaveur
après
Tchesmé,
car
il
n’y
a
pas
d’utilisation
rapportée
de
ceux-ci
pendant
la
guerre
de
1787-
92.
Cependant,
dans
ce
conflit,
chacun
des
«74
»
ottomans
portait
encore
des
canons
de
66
livres
qui
tiraient
des
boulets
de
marbre
qui
étaient
appelés
des « canons de ½ kantars ».
L’emploi
des
canons
kantars
montre
qu’ils
étaient
analogues
aux
dernières
caronades,
très
appropriés
pour
les
combats
rapprochés
qu’affectaient
les
ottomans. Mais quand ils étaient confrontés aux flottes russes habituées aux standards occidentaux, les armes spéciales ottomanes devenaient sans utilité.
En
contraste
avec
les
navires
ottomans
construits
et
armés
légèrement,
les
navires
russes
de
la
période
1768-92
étaient
de
construction
lourde
et
surchargée
avec
de
l’artillerie
de
calibre
plus
grand
que
celui
initialement
prévu.
Cette
situation
était
spécifiquement
vraie
pour
les
navires
de
la
Flotte
de
la
Mer
Noire.
La
principale
raison
de
cet
état
en
était
que
la
Flotte
de
la
Mer
Noire
était
conçue
avant
tout
comme
une
flotte
côtière
de
défense
pour
repousser
des
attaques
ottomanes
en
Crimée,
le
premier
objectif
du
concepteur
était
de
fournir
le
maximum
de
puissance
de
feu
sur
chaque
navire.
En
pratique
cela
amena
l’invention
d’une
nouvelle
classe
de
navire
appelée
«
frégate
de
bataille
(ou,
d’escadre)
»
:
une
grande
frégate
armée
avec
des
canons
de
calibres
destinés
aux
vaisseaux.
Le
prix
payé
pour
ce
maximum
de
puissance
était
en
retour
un
navire
lent
à
manœuvrer
et
une
durée
de
service
actif
réduite ; les coques surchargées devenaient rapidement arquées et donc inutilisables sous la contrainte du poids de l’artillerie.
Quelques
tableaux
comparatifs
aident
à
montrer
cette
disparité
de
puissance
de
feu
entre
navires
russes
et
ottomans
de
même
taille
dans
les
périodes
1768-
74 et 1787-92.
*- 2 canons ½ kantars en plus
**- 4 canons ½ kantars en plus
(Les canons kantars ne sont pas décomptés dans la puissance de feu).
Le
troisième
et
dernier
paramètre
à
considérer
est
la
quantité
de
main
d’œuvre
utilisée
par
les
navires
ottomans.
Les
rôles
d’équipages
de
la
guerre
1787-
92
met
en
évidence
des
équipages
très
importants
présents
à
bord
des
navires
ottomans.
En
1790,
les
vaisseaux-amiraux
de
72-74
canons
avaient
de
850
à
900
hommes,
les
vaisseaux
de
58
à
66
avaient
de
600
à
750
hommes,
et
ceux
de
52
à
56
avaient
de
400
à
500
hommes.
En
contraste,
le
80
canons
russe
Rozhdestvo
Christovo
avait
560
hommes,
un
vaisseau
type
de
66
canons
en
portait
476,
et
les
«
frégates
de
combat
»
comme
le
50
canons
Georqii
Pobiedonosets en avaient 322. Malheureusement, les rôles d’équipage de la campagne de 1770 ne sont pas connus.
Cependant,
comme
l’écrit
le
Capitan
Pacha
Mandalzade
Hüsameddin,
son
escadre
avait
seulement
la
moitié
des
hommes
nécessaires
et
ce
fut
le
facteur
clef
de
l’ultime
défaite
à
Tchesmé.
Comme
Hüsameddin
Pacha
se
plaignait
que
pour
son
vaisseau-amiral
(un
74)
«
500
hommes
étaient
nécessaires
pour
la
manœuvre
du
navire,
et
500
de
plus
pour
le
combat
»,
nous
pouvons
dire
que
les
équipages
de
1790
étaient
aussi
la
norme
en
1770.
Une
curieuse
image
émerge
de
tout
ceci
:
comparés
à
leurs
adversaires
ottomans
qui
étaient
sous-armés
avec
des
canons
de
calibre
inférieurs,
les
navires
russes
surchargés
avec
leurs
canons
de
gros
calibre,
étaient
manœuvrés
avec
presque
moitié
moins
d’hommes.
Les
disparités
entre
les
flottes
russes
et
ottomanes
à
la
fois
dans la construction, l’armement et l’effectif, étaient le résultat de conceptions très différentes de la compréhension et de l’emploi de la puissance navale.
CONCLUSION
Ce
court
examen
des
preuves
écrites
et
visuelles
sur
la
technologie
navale
ottomane
dans
la
seconde
moitié
du
18e
siècle
révèle
un
surprenant
tableau
:
des
navires
courts,
larges
et
spacieux
avec
des
arrières
importants
et
des
coques
construites
légèrement,
sous-armées
à
l’extrême,
et
un
énorme
nombre
d’hommes
entassés.
A
la
lumière
de
l’information
disponible,
on
en
déduit
que
les
sujets
de
discussion
ici
sont
les
navires
de
guerre
et
non
les
navires
marchands.
Pourquoi
alors,
les
ottomans
ont-ils
persisté
à
construire
des
navires
inadaptés
à
la
guerre
?
Etait-ce
à
cause
d’un
conservatisme
aveugle
?
de
l’incompétence
?
d’un
manque
de
créativité
?
Il
y
a
bien
sûr
les
réponses
données
par
les
observateurs
contemporains
comme
le
baron
de
Tott
et
William
Eton.
L’opinion
unanime
sur
la
technologie
maritime
ottomane,
paraphrasée
de
Tott
(même
dans
un
texte
soi-disant
savant
publié
en
2011),
était
que
les
navires
de
guerre
ottomans
avaient
des
ponts
élevés
pour
laisser
passer
les
turbans
Quittons
cette
caricature
en
cherchant
une
explication
précise,
ma
proposition est de ré-évaluer le raisonnement que les ottomans suivaient pour comprendre et employer la puissance navale au 18e siècle.
Jusqu’à
l’époque
de
John
Guilmartin
Jr.,
faisant
une
étude
sur
la
puissance
navale
et
la
guerre
navale
en
Méditerranée
à
l’époque
de
la
Renaissance,
le
paradigme
«
command
of
the
sea
»
de
Alfred
Mahan,
bâti
sur
des
flottes
de
haute
mer
et
la
bataille
décisive
était
généralement
l’approche
dominante
des
études
sur
les
puissances
navales
méditerranéennes.
John
Guilmaritn
Jr.
démantela
correctement
cette
compréhension
sclérosée,
soulignant
les
limitations
des
flottes
de
galères
qui
étaient
les
systèmes
d’armes
dominant
de
la
région.
A
la
place,
Il
clarifia
la
nature
amphibie
de
la
guerre
en
Méditerranée
et
démontra
que
les
campagnes
navales
décisives
de
la
région
étaient
en
fait
des
opérations
amphibies
pour
prendre
ou
garder
les
ports
fortifiés
stratégiques
des
flottes
de
galères.
Encore
que
Guilmartin
lui-même
souscrit
à
la
théorie
des
flottes
de
guerre,
suivant
l’intrusion
à
grande
échelle
des
flottes
hollandaises
et
anglaises
dans
la
seconde
moitié
du
17ème
siècle.
C’est
un
pas
en
arrière
comme
il
peut
être
argumenté
indépendamment
du
changement
de
technologie,
le
modèle
de
guerre
navale
méditerranéenne
est
démonstrativement
valable
jusqu’à
la
fin
du
18e.
La
puissance
de
la
marine
ottomane en est la preuve.
Le
navire
à
voiles
peut
avoir
été
mature
dans
le
courant
du
17e
siècle
et
avoir
établi
sa
supériorité
opérationnelle
sur
le
navire
à
rames
aux
alentours
de
1680,
la
géographie
maritime
de
l’empire
Ottoman,
naturellement,
n’a
pas
changé.
Cet
empire
levantin
était
condamné
à
opérer
dans
des
eaux
étroites
et
peu
profondes,
dotées
de
centaines
d’îles
et
de
goulets
fortifiés
qui
dominaient
les
principales
routes
commerciales
de
la
région,
et
plus
spécialement
l’axe
Alexandrie-Constantinople
qui
jouait
un
rôle
vital
dans
l’approvisionnement
de
la
capitale.
De
plus,
les
ottomans
n’avaient
pas
d’opposants
navals
dans
leurs
eaux,
sauf
Venise
qui,
elle
aussi,
comprenait
et
appliquait
la
puissance
navale
de
la
même
manière:
transportant
hommes,
munitions
et
ravitaillements
entre
ses
points
d’appui,
portant
assistance
avec
une
puissance
de
feu
pour
couvrir
les
parties
terrestres
ou
repousser
les
assaillants
et
en
temps de paix, patrouiller les voies commerciales contre les pirates.
Les
navires
à
voiles
entrèrent
dans
ce
contexte
non
en
remplacement
des
galères
mais
en
complément
pour
travailler
en
conjonction
avec
elles.
Bien
sûr,
jusqu’à
l’époque
Nizam-ı
Cedid,
les
navires
à
rames
continuèrent
non
seulement
à
opérer
mais
en
fait
dépassaient
en
nombre
les
navires
à
voiles.
Le
navire
à
voiles
était
un
rempart
vital
derrière
lequel
les
navires
à
rames
de
la
guerre
amphibie
pouvaient
opérer
en
sécurité.
Donc
la
technologie
particulière
de
la
pré-réforme
du
kalyon
peut
seulement
être
comprise
que
si
cette
symbiotique
existence
est
présente
à
l’esprit.
Ce
n’était
pas
un
outil
pour
les
duels
océaniques,
mais
plutôt
un
grand
et
spacieux
transport
avec
un
espace
pour
loger
un
nombre
maximum
de
soldats
et
d’approvisionnements.
Et
encore,
dans
le
but
d’obtenir
la
meilleure
vitesse
possible
en
dépit
de
ses
proportions
désavantageuse,
il
était
construit
avec
une
coque
légère
quoique
fragile.
Comme
sa
tolérance
au
poids
était
faible,
sa
puissance
de
feu
devait
être
sacrifiée.
En
conséquence,
la
marine
ottomane
était
unique
à
l’âge
de
la
voile,
construisant sa méthodologie de combat sur la puissance humaine plutôt que sur la puissance de feu.
L’imposante
poupe
du
kalyon
était
une
tour
de
siège
dans
laquelle
étaient
placés
les
tireurs
et
les
mousquetaires
durant
tous
les
combats
de
la
guerre
de
1787-92,
dans
laquelle
les
ottomans
étaient
habituellement
à
l’offensive,
les
ordres
des
commandants
ottomans
étaient
de
se
«
porter
rapidement
sur
l’adversaire
de
même
taille
et
de
lancer
l’abordage
».
Un
tel
concept
opérationnel
pouvait
être
en
totale
opposition
avec
la
pratique
établie
dans
le
reste
de
l’Europe, mais c’était ce que les ottomans appliquaient de fait dans leur théâtre d’opérations levantin.
L’évaluation
de
la
puissance
navale
ottomane
à
l’âge
de
la
voile,
met
en
avant
la
question
suivante
:
si
la
technologie
navale
ottomane
était
appropriée
à
ces
situations
particulières,
pourquoi
les
ottomans
ressentaient
finalement
un
tel
besoin
de
changer
et
donc,
de
de
s’adapter
aux
standards
océaniques
?
C’était
parce
que
l’émergence
de
la
nouvelle
marine
russe
avait
changé
les
règles
du
jeu.
Une
fois
que
la
perte
de
la
Crimée
et
de
la
plupart
de
la
côte
nord
de
la
Mer
Noire,
le
frontière
fut
repoussée
sur
la
mer.
En
outre,
la
défense
ou
la
contre-attaque
contre
cette
menace
mortelle
devait
en
premier
lieu
affronté
la
flotte
russe
de
la
Mer
Noire
une
flotte
construite
et
entraînée
pour
le
combat.
Les
ottomans
prédirent
ce
qui
devait
arriver
et
le
premier
kalyon
qui
pourrait
combattre
les
nouveaux,
le
74
canons
Mukaddeme-i
Nusret
(Le
Commencement
des
Victoires)
fut
lancé
en
1787.
Construite
par
J.
S.
Le
Roy,
ce
vaisseau
était
pratiquement
une
copie
du
légendaire
«
Courageux
»
du
1753,
comme
on
le
comprend
par
ses
dimensions
détaillées,
conservées
dans
les
archives
Russes.
Le
Courageux
était
l’un
des
meilleurs
types
de
vaisseau
de
74
canons
de
tous
les
temps,
que
la
marine
anglaise
copiait
régulièrement,
même
au
commencement
du
19ème
siècle
!
Par
le
lancement
du
Nizam-i
Cedid
en
1793,
la
révolution
des
affaires
navales
ottomanes
était
en
pleine
essor.
Cependant,
par
une
grande
ironie
de
l’histoire,
les
très
bons
résultats
obtenus
par
les
réformes
de
Selim
III,
ne
furent
pas
utilisées
contre
les
russes,
mais
au contraire dans une alliance avec l’Empire Russe contre la France révolutionnaire au cours de la guerre de la Seconde Coalition.
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Table 1. Puissance de feu comparative en 1774
NAVIRE
1er PONT
2éme PONT
GAILLARDS
BORDEE en livres
Mansuriye 62
24x24*
28x12
8x8
488
Rostislav 66
24x24
26x12
16x6
492
Berid-i-Fûtûh 32
16x12
10x8
6x4
148
Nadezhda 34
20x12
-
14x6
162
Table 2. Puissance de feu comparative en 1790
NAVIRE
1er PONT
2ème PONT
GAILLARDS
BORDEE en livres
Melik-i Bahr 72
24x36**
28x24
14x12 + 2x24
876
Rozhdestovo 80
30x36
30x18
20x8
890
Peleng-i Bahr 66
26x24
26x12
12x8 + 2x12
522
Sv. Pavel 66
26x30
24x12
16x6
582
Burc-i Zafer 42
12x12
22x8
8x6
178
G. Pobiedonosets 50
28x24
-
24x6
408