Bordeaux Aquitaine Marine
Dominique !
par Armand Hayet, capitaine au long cours
Ce
n'est
pas
là
le
nom
d'une
princesse,
d'une
héroïne
de
conte
du
gaillard
d'avant
ou
d'une
célèbre
servante
d'hôtesse
depuis
longtemps
au...
Ciel,
mais
celui
que
les
marins
donnaient
à
une
caisse
et
à
la
solde,
particulièrement
sur
les
bâtiments
de
l'Etat
où
les
hommes
sont
payés
à
la
fin
de
chaque
mois
quand
ils
ne
sont pas à la mer.
A bord de n'importe quel navire français on pouvait naguère commander indifféremment :
« L'Equipage à se faire payer ! »
Ou tout simplement :
« Dominique ! »
Tout
le
monde
savait
ce
qu'il
convenait
de
faire
et
ce
qui
allait
se
passer
d'agréable.
Mais
personne,
du
Commandant au dernier novice ou apprenti marin, n'aurait pu dire pourquoi la solde s'appelait Dominique.
Ce
nom
depuis
des
temps
et
des
temps,
était
donné
à
la
fameuse
caisse,
bardée
d'acier
et
de
cadenas,
souvent
enjolivée
du
nom
du
navire
et
d'appliques...
artistiques,
en
cuivre,
bien
entendu,
dans
laquelle
le
Commissaire arrimait les fonds destinés à la paye de l'équipage.
J'ajoute
que
le
règlement
prescrivait
sagement
que
«
la
caisse
du
Commissaire
devait
être
munie
d'une
légère
bouée
et
de
son
orin
d'une
longueur
suffisante,
permettant
de
la
repêcher
au
cas
où
elle
tomberait
à
la
mer
durant son transport en canot ». (orin : filin qui relie un objet immergé à une bouée)
Le contenu de la caisse et aussi l'action de le distribuer ne tardèrent pas à prendre le nom du contenant.
Mais d'où vient ce nom ?
Les
deux
ou
trois
écrivains
maritimes
que
cette
petite
énigme
a
intéressés
à
la
fin
du
siècle
dernier,
ont
dû
s'avouer
vaincus.
L'un
d'eux
nous
apprend
pourtant
qu'un
chercheur
(terrien
vraisemblablement)
a
avancé
timidement
que
«
Dominique
»
pouvait
bien
découler
de
Dominus
:
Maître.
L'argent
donnant
le
pouvoir
de
commander,
de
dominer.
Cependant
il
reconnaît
que
cette
suggestion
lui
semble
assez
gratuite.
C'est
aussi
mon avis. Le nom marin de la caisse admirée et respectée par des générations et des générations de matelots ne peut avoir une origine aussi savante.
Quelle est donc la véritable origine de cette appellation ?
Il
convient
tout
d'abord
de
se
souvenir
que
les
capitaines
des
navires
du
Commerce,
ceux
des
corsaires
et
des
flibustiers
des
XVIIème
et
XVIIIème
siècles,
avaient
dans
leur
chambre
des
sortes
de
coffres
aux
parois
de
métal
et
de
cuir
durci,
d'une
solidité
à
toute
épreuve,
ceinturés
de
fer
et
défendus
par
plusieurs
serrures
d'une
complication
invraisemblable.
Notre
Musée
en
possède
un
très
intéressant
et
le
Musée
Dobrée
de
Nantes,
un
autre
fort curieux et probablement plus ancien.
Le transport de Dominique
Ces
coffres
protégeaient
les
doublons,
piastres,
ducats
et
louis,
les
objets
d'or
et
d'argent,
les
bijoux
et
les
pierreries,
produits
de
l'honnête
négoce,
des
prises
plus
ou
moins légales ou de la piraterie.
Or
les
premières
de
ces
malles
coffres-forts
furent
construites
par
un
artisan
installé
à
la Dominique et cette fabrication devint rapidement une spécialité de l'île.
Les
marins
apprécièrent
en
connaisseurs
leurs
qualités
incontestables.
Ils
ne
manquèrent
pas
d'en
acquérir
pour
leur
usage
personnel
et
celui
de
leurs
armateurs
et
les
baptisèrent
aussitôt
«
Dominique
»
du
nom
du
pays
d'origine,
nom
qui
fut
conservé
pour
désigner
les
coffres
semblables
ultérieurement
fabriqués
en
France
et
que
l'on
relève sur les inventaires et listes d'armement de l'époque.
Et
je
ne
peux
que
conclure,
avec
je
crois
la
plus
grande
certitude,
que
la
caisse
du
Commissaire
et
la
solde
de
nos
équipages
tiennent
leur
gracieux
et
inattendu
surnom
de
ces
belles
et
attrayantes
Dominiques,
nées
dans
la
non
moins
belle
et
attrayante
île
de l'archipel Caraïbe.
Armand Hayet
Capitaine au Long-Cours
.